Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

payée par tête à l’état (ce chiffre se réduit réellement à environ 20 francs en Russie, tandis qu’il s’élève à plus du double en France), mais de connaître la part relative ainsi prélevée sur chacun, ce qui renverse la proportion, et certes aucun contribuable français ne voudrait, toutes choses égales d’ailleurs, échanger sa position contre celle d’un contribuable russe.

On par le d’income-taxe et d’octrois qui n’existent pas en Russie. Ignore-t-on que l’income-taxe est un obstacle à la formation des capitaux, ce premier besoin de la Russie, et qu’elle ne saurait être productive là où le revenu national est si restreint ? Quant aux octrois, oublie-t-on qu’ils constituent une source de profits pour les villes, mais qu’ils rapportent fort peu à l’état ? Le tabac et le sel sont, dit-on, faiblement imposés en Russie ; ce n’est pas la bonne envie, mais la possibilité qui manque pour accroître cette branche ; de revenu. En revanche, l’impôt des boissons devient de plus en plus productif, et le prix de l’eau-de-vie baisse, ce qui fait qu’on en consomme des quantités de plus en plus effrayantes. C’est là un profit que la richesse nationale paie cher par l’abaissement intellectuel et moral de la population livrée à de pareils excès !

Quant aux doléances du Journal de Saint-Pétersbourg sur la balance du commerce, une feuille russe, la Gazette de la Bourse, nous dispense de nous y arrêter ; elle a suffisamment prouvé tout le vide de cette argumentation[1]. La même feuille constate que, dans l’appréciation des forces matérielles de la Russie, notre point de départ est celui de presque tous les publicistes russes. Au lieu d’exagérer l’expression de leur pensée, nous l’avons adoucie. C’est en vain que nos contradicteurs essaient de jeter de la confusion dans le débat en mêlant tout, pour empêcher une vue nette du sujet ; c’est en vain qu’ils nous accusent, en termes qui ne perdraient rien quelquefois à être plus polis, d’omissions volontaires et d’oublis prémédités. Nous en avons vainement cherché la preuve dans leurs réponses[2]. Qu’ils nous vantent complaisamment l’abondance des récoltes, et qu’ils y voient une mine féconde pour la Russie ; il nous suffira de leur demander quelle transformation s’est opérée depuis l’époque où un économiste dont on ne déclinera pas là compétence, M. de Tengoborski, estimait au-dessous de quatre grains le rendement moyen des cultures. Nous nous bornerons

  1. Son article a été reproduit dans le Nord du 21 février 1864.
  2. Le dernier venu, M. Bunge, se montre le moins réservé dans son langage et le moins décisif dans ses critiques. On aurait mieux attendu d’un économiste dont les écrits ont été souvent remarqués. Nous lui demanderions surtout à l’avenir, s’il veut encore nous faire parler, de citer ce que nous avons dit, au lieu d’en présenter un résumé de fantaisie : ce sera plus exact et plus concluant. Nous n’avons jamais confondu l’actif et le passif de la banque avec l’actif et le passif de l’état ; mais, nous sommes bien obligé de le dire, sauf une portion minime, l’actif de la banque consiste presque en totalité en sommes qui sont dues par le trésor. Du reste, il faudrait avoir les tableaux sous les yeux pour saisir d’un coup d’œil l’ensemble de la situation. Bornons-nous à une seule remarque pour le moment : il est un chapitre des revenus actuels de la Russie que M. Bunge aurait mieux fait de passer sous silence, ce sont les contributions qui ont frappé, comme il le rappelle, les propriétaires des gouvernemens de l’ouest et du sud-ouest de l’empire, c’est-à-dire des provinces lithuaniennes et polonaises. L’Europe ne sait que trop que ces contributions ont été productives.