Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/372

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gauche par je ne sais quelle construction provisoire grossièrement charpentée. Austin s’y jeta d’un pas rapide ; mais un bruit de voix montées au diapason de la querelle l’avertit qu’il était déjà trop tard. Un groupe de trois personnes lui barra le passage : c’était d’abord un des pairs qu’il connaissait d’aspect et de nom, puis lord Charles Barty, adossé à la palissade dont nous venons de parler ; le capitaine Hertford se tenait debout en face de lord Charles. Il avait la parole au moment où Austin arriva sur le théâtre de l’altercation. — Vous avez entendu, mylord ? disait-il… J’ai donné à monsieur le démenti le plus formel.

— Vous savez aussi, lord Sayton, reprit lord Charles, que, me trouvant à votre bras et voyant cet homme marcher sur nos talons, je lui ai dit, sans aucune provocation de sa part, que je le tenais pour un misérable drôle… Je suppose que cela suffit, à moins que nous ne voulions nous injurier et nous battre comme deux crocheteurs.

— La querelle m’appartient, dit Austin, encore tout haletant de sa course précipitée.

— Je serais assez de cet avis, observa lord Sayton ; mais vous arrivez un peu tard.

— J’attends ce soir votre second, reprit lord Charles, s’adressant à Hertford… Veuillez l’envoyer à Elliot ; je ne rentrerai pas chez moi.


XIII

Arrivé chez Austin, lord Charles se mit au lit sans se trop faire prier. Son ami veilla pour attendre le témoin du capitaine. C’était un officier de l’armée des Indes, un certain major Jackson, célèbre chasseur de tigres, shikaree de premier ordre, avec qui Austin était assez familier. — Voyez-vous, lui demanda-t-il dès l’abord, une manière quelconque d’arranger les choses ?

— À mon grand regret, je n’en vois aucune. Insultés publiquement une première fois, nous n’avons pas cru devoir relever l’injure. En se réitérant, elle s’aggrave, et nous devons exiger aujourd’hui des excuses publiques.

— Vous n’espérez certainement pas les obtenir, répondit Austin ; mais voici ce que je compte faire… Barty est couché là-haut, et demain matin, avant qu’il ne s’éveille, j’irai proposer à Hertford d’échanger une ou deux balles avec moi.

— Ceci a été prévu, repartit aussitôt le major Jackson, car nous connaissons la noblesse de votre caractère ; mais vous n’obtiendrez aucune satisfaction de ce genre… Avant toutes choses, il nous faut les excuses de lord Charles Barty ; à défaut de ses excuses, le plaisir de le voir face à face ; à défaut de ce plaisir…