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notre compte, sans professer pour les personnes ni préférence ni antipathie.

Cette scène épisodique des réélections de Paris se détachera donc comme un incident tout à fait isolé sur le fond de notre régime électoral. M. Antonin Lefèvre-Pontalis vient de publier un volume très opportun sur les lois et les mœurs électorales en France et en Angleterre. Ce livre pour ce qui concerne la France, est le résumé très exact de l’expérience que nous venons de faire dans les dernières élections générales et dans la vérification des pouvoirs. M. A. Lefèvre-Pontalis y examine la législation électorale et son application, les candidatures du gouvernement et leurs abus, la jurisprudence électorale et ses conséquences. Il y a là de précieux enseignemens dont il faudra faire son profit dans la routine de nos élections départementales ; mais les leçons de M. Lefèvre-Pontalis ne sont point applicables aux prochaines élections parisiennes. Paris, à qui quelques utopistes réactionnaires parlaient naguère de retirer le droit électoral, présente une exception éclatante quant aux pratiques électorales de ce temps-ci. « La France, disait M. Disraeli dans Coningsby, est une monarchie gouvernée par une république. » Paris reste et sera toujours une république.

On vient d’avoir dans des camps religieux bien différens des émotions fort extraordinaires et fort piquantes. Parmi les catholiques, on a failli assister à la condamnation par le pape des doctrines du Correspondant, organe des catholiques libéraux, et cette condamnation a été sur le point d’atteindre M. de Montalembert. Nous n’aurions point parlé de la disgrâce qui a menacé, chez nous, les catholiques les plus militans et les plus méritans, si le coup, à l’heure qu’il est, n’était point conjuré. Nous eussions fait du tort, à Rome, à M. de Montalembert, si nous avions plus tôt pris sa défense : le client eût été compromis par l’avocat. Le crime dont M. de Montalembert a failli être puni par l’autorité pontificale est d’avoir émis au congrès de Malines de trop libérales idées. Joignez donc les lumières de votre temps à une fidélité chevaleresque aux institutions religieuses du passé, consacrez de vaillans efforts à marier à de nobles croyances des instincts généreux, soutenez pendant une vie entière la gageure paradoxale de rester libéral en étant ultramontain : voilà la récompense qui vous attend ! Ceux que vous défendez vous renient, vos apologies impossibles sont repoussées par ceux même au nom desquels vous les aviez vaillamment entreprises ; vous n’êtes plus en fin de compte qu’un libéral suspect et un catholique désavoué. Si extraordinaires qu’elles puissent paraître au premier abord, des péripéties de ce genre ne nous surprennent point. Nous avons toujours respecté l’illusion de ceux qui ont cru qu’on pouvait faire pénétrer dans la cour de Rome un rayon de sentiment libéral ; mais nous savons bien les conseils de Rome, jamais nos catholiques éclairés, cultivés et généreux, ne balanceront le crédit de tel rustaud énergique répétant avec une grossièreté opiniâtre les rubriques de l’ancien absolutisme.