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bonnets, le colonel Sprengtporten. Depuis le mois de juin 1772, cet officier en discutait tout le détail avec le roi, qui lui communiquait aussi ses projets de constitution; mais les deux révoltes de Finlande et de Scanie, ainsi que les mesures confiées aux princes Charles et Frédéric, n’étaient après tout que des annexes de la principale entreprise, c’est-à-dire du coup d’état dans la capitale, que Gustave III semble bien avoir seul médité et qu’il a seul exécuté, avec toute la dissimulation et toute la bravoure nécessaires.

Dès le milieu de juillet, les états commençaient à soupçonner vaguement ses projets; mais, déjà livrés à ce vertige qui présage et prépare les défaites, ils commettaient à leur insu les fautes les plus grossières. Une lettre où Gustave s’ouvrait à Louis XV, en termes généraux il est vrai, tomba entre les mains de l’ambassadeur d’Angleterre à Paris, qui informa par l’agent anglais à Stockholm les chefs des bonnets. Cet avis coïncidait avec de sourdes rumeurs et avec de violens pamphlets, où s’exhalait le mécontentement public. Les états résolurent donc de surveiller de très près Gustave III, déterminés qu’ils étaient à user de violence envers lui, s’ils découvraient dans sa conduite quelque démarche tendant à renverser la constitution. Leur plus grave mesure fut de désigner, pour remplacer prochainement la garnison du château, le régiment d’Upland, commandé par le baron Cederström, un des leurs, et auquel ses soldats auraient obéi. Heureusement l’activité de Gustave III prévint l’arrivée de ces hommes dans la capitale; le régiment se trouvait toutefois à quatre heures de Stockholm quand le coup d’état s’achevait : ce fut le plus sérieux danger que courut le roi de Suède. Les états furent plus mal inspirés quand ils éloignèrent le colonel Sprengtporten, dont les fréquentes visites au château ne leur avaient pas échappé; on savait d’ailleurs qu’il était à la tête d’un club de jeunes officiers fort dévoués à Gustave. Ils crurent faire un coup de parti, dit M. de Vergennes dans sa dépêche du 23 juillet, en le désignant pour aller rétablir le calme dans la Finlande, où le mécontentement paraissait augmenter de manière à inquiéter la diète. Sprengtporten feignit de recevoir cet ordre avec mécontentement; mais il partit sans retard : les états lui procuraient de la sorte le moyen d’aller mettre le feu à la mine qu’il avait préparée lui-même, et ils entraient dans le jeu du roi, qui de son côté s’empressait de calmer leurs alarmes, rendant plus rares, après qu’elles lui avaient fait de nombreux amis, ses entrevues avec les jeunes officiers de la garnison, et se livrant en apparence tout entier aux fêtes et aux plaisirs.

Sprengtporten avait quitté Stockhohn emportant un plein pouvoir signé du roi, auquel était joint ce billet :


« 29 juillet 1772. — Je remets entre vos mains le secret de ma vie, et