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à la Suède, en cas de guerre, une assistance bien efficace. « Cette cour n’aura de longtemps, disait Voltaire à Catherine II, assez d’argent pour seconder ses bonnes intentions, à moins qu’on ne vous vende, madame, le diamant nommé le Pitt ou le Régent ; mais il n’est gros que comme un œuf de pigeon, et le vôtre est plus gros qu’un œuf de poule. » Mais enfin, les complications de l’Europe orientale aidant, il avait paru dans les mesures prises par le duc d’Aiguillon assez de vive énergie pour qu’on pût leur attribuer une grande part du succès. « Nos voisins ont été confondus de l’armement de Toulon, mande Gustave III au comte de Creutz le 14 mai 1773; il a déconcerté tous leurs desseins. Je vous charge d’en témoigner au roi toute ma reconnaissance. Quoique, dans le moment présent, je puisse me flatter de n’avoir pas besoin de son puissant secours, j’espère pouvoir y compter dans des occasions où il me deviendrait indispensable. La fermeté et la vigueur que sa majesté très chrétienne met dans sa conduite m’obligent à une reconnaissance sans bornes. Elles deviendront une barrière formidable contre l’oppression et l’injustice et feront respecter de toutes les puissances de l’Europe une monarchie si fidèle à ses alliés. » Quelques mois plus tard, Gustave III adressa à Louis XV la lettre suivante, qui peut servir à marquer la fin du remarquable épisode par où s’inaugura son règne :


« 2 novembre 1773. — Monsieur mon frère et cousin, on vient actuellement d’achever la médaille que les derniers états assemblés me demandèrent la permission de frapper, en mémoire du jour où ils convinrent unanimement avec moi de rétablir les anciennes lois, et jurèrent la nouvelle constitution. Cette époque m’est trop intéressante pour que je puisse perdre le souvenir d’aucune des circonstances qui l’ont amenée. J’ai senti alors combien votre majesté se plaît à concourir à l’avantage de ses alliés; c’est dans cette vue que j’ai la satisfaction d’envoyer à votre majesté une de ces médailles que la banque, au nom des états, vient de me présenter, afin que, si vous jugez à propos de lui donner une place dans votre médaillier, votre majesté y puisse conserver un monument de plus de sa gloire, rappelant à la postérité un événement auquel votre majesté a eu tant de part. Je suis, etc. « 


Ici se terminerait le récit de l’intervention française dans les affaires suédoises au commencement du règne de Gustave III, si un autre épisode, fort curieux, de notre histoire diplomatique ne s’y rattachait encore. On sait aujourd’hui ce que fut sous Louis XV la fameuse « diplomatie secrète; » ce malheureux roi, dont l’insigne faiblesse étouffait la réelle intelligence, avait, à côté de son ministre avoué des affaires étrangères, un pareil ministre non déclaré, avec des agens secrets répandus dans les diverses cours de l’Europe. A