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part dans l’alimentation des classes les plus nombreuses, car on leur destine autant de terrain qu’au froment. Prise dans son ensemble, cette répartition des cultures est extrêmement favorable. Comme en Angleterre, et par suite aussi de la prédominance des herbages, elle assure aux cultivateurs de riches produits sans exiger beaucoup de travail, car dans les prairies c’est la fertilité du sol et l’humidité du climat qui font naître spontanément les plantes dont les animaux se nourrissent, et qui produisent ainsi le lait et la viande, dont les prix augmentent bien plus rapidement que ceux des céréales. En effet, les régions les plus lointaines, les fertiles plaines de l’ouest des États-Unis ou du sud de la Russie peuvent envoyer des blés sur les marchés de l’Europe occidentale, et empêcher en conséquence les prix de cette denrée de s’élever en raison de l’accroissement rapide de la population; mais il n’en est pas de même pour le beurre et la viande fraîche, qui ne supportent pas d’aussi longs trajets. Le cercle des pays producteurs est beaucoup plus limité, et l’offre ne peut s’accroître aussi rapidement que la demande, qui va sans cesse s’étendant à mesure que l’augmentation si rapide des capitaux crée de nouveaux consommateurs. Les contrées où les pâturages dominent profitent donc plus largement que les autres des progrès économiques des sociétés modernes.

Si l’agriculture néerlandaise jouit ainsi d’incontestables avantages, on regrette d’autant plus de rencontrer de si vastes étendues de landes qui ne lui livrent pour tout produit que quelques mottes de bruyère employées à former des fumiers de composts. Les terres vagues prennent encore le quart du domaine agricole, tandis qu’en France elles n’en occupent que la sixième partie, et en Belgique la neuvième seulement. Ces lacunes, ces taches de terrains improductifs qui frappent désagréablement quand on étudie la belle carte rurale du pays dressée par M. Staring, s’expliquent par l’action de deux causes qui, réunies, ont dû arrêter ou au moins retarder singulièrement toute nouvelle conquête de la culture. La première de ces causes est la qualité détestable du sol : ainsi qu’on l’a vu, il est en général formé d’un sable aride qui, abandonné à lui-même, se couvre à peine d’une maigre végétation, et qu’on ne parvient à mettre en valeur qu’au prix de beaucoup de sacrifices et des plus persévérans efforts. La seconde de ces causes, nous la trouvons dans l’ancienne constitution de la propriété. — Aussi longtemps que la lande demeurait le bien commun et indivis des cohéritiers de la marke, aucun de ceux-ci, et nul autre à plus forte raison, ne pouvait songer à employer à cette terre rebelle le capital considérable nécessaire pour la défricher. Comme la stérilité naturelle ne peut être vaincue que peu à peu, à force d’engrais et de travail, il faut