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trente curies. Désormais Clodius ne faisait plus partie de la gens Claudia ; il était plébéien et pouvait être tribun. C’était Mirabeau prenant une patente de drapier pour pouvoir représenter le tiers-état.

Avant de quitter Rome, César voulait en éloigner Cicéron ; il ne pouvait refuser cela à son ami Clodius, auquel il devait tant. D’ailleurs il ne se souciait pas de laisser derrière lui le défenseur éloquent du sénat, dont les paroles, plus hardies que la conduite, pourraient en son absence avoir quelque danger et peut-être entraîner Pompée. César campa donc durant plusieurs mois aux portes de Rome avec son armée, qu’il avait mise sous les ordres d’un frère de Clodius, de manière à pouvoir assister aux assemblées tenues hors de la ville et soutenir de sa présence les manœuvres du factieux tribun. Clodius convoqua les plébéiens dans le cirque Flaminius, qui était hors des murs, et où César pouvait paraître ; il les harangua avec sa violence accoutumée, et provoqua chez quelques-uns une désapprobation que Cicéron a peut-être exagérée. César dit qu’on savait ce qu’il pensait, que la mort des conjurés était contraire aux lois[1] ; puis il conseilla l’oubli des choses passées, s’en reposant sur les consuls du soin d’accuser ouvertement Cicéron. Le fils de Crassus prononça quelques mots en sa faveur, et Pompée l’abandonna. Cicéron alla implorer son appui dans sa villa près d’Albe, et, il nous l’apprend lui-même, tomba à ses genoux. Pompée, sans daigner le relever, lui répondit qu’il ne pouvait rien faire contre la volonté de César. Lorsque Cicéron se présenta de nouveau à la porte de l’Albanum, Pompée, pour ne pas le recevoir, à en croire Plutarque, pendant que Cicéron entrait par une porte, sortit par une autre.

Le consul Gabinius convoqua le sénat dans le temple de la Concorde, « ce temple, disait Cicéron, qui rendait présente la mémoire de mon consulat. » Le sénat était pour lui, mais timidement. Gabinius refusa l’entrée du temple à une députation composée d’un certain nombre de chevaliers, conduite par plusieurs sénateurs, parmi lesquels on aime à voir le rival de Cicéron, Hortensius. Comme ils se retiraient, Clodius fondit sur eux avec sa bande, Hortensius courut quelque danger, et un autre sénateur fut si maltraité qu’il en mourut. Dans le temple, on discutait avec violence ; Gabinius, qu’irritait la résistance du sénat, s’emporta, et déclara que Cicéron était coupable. Alors les sénateurs décidèrent qu’ils prendraient le deuil. Gabinius, furieux, laisse là le sénat rassemblé par son ordre,

  1. A Rome, on avait toujours le droit, pour les crimes politiques, d’échapper à la mort par l’exil.