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virons, se dispersent d’un bout de la France à l’autre. De toutes parts, des réclamations s’élèvent; le faisceau mal lié se dissout, et, pour avoir voulu être partout à la fois, on finit par ne plus suffire nulle part.

La Banque de France a fait en 1863 pour 5 milliards 688 millions d’escomptes. C’est un beau chiffre, mais qui aurait pu être doublé, si tous les besoins légitimes avaient reçu satisfaction. Les escomptes de Paris y figurent pour les trois septièmes (2 milliards 455 millions), ceux des départemens pour quatre septièmes (3 milliards 233 millions). Peut-on croire de bonne foi que ce soit la proportion naturelle? Si riche que soit la ville de Paris, il est bien difficile d’admettre qu’elle fasse à elle seule presque autant d’affaires que tout le reste de la France. En réalité, les trois quarts du territoire manquent des facilités que donne au commerce la proximité d’une banque. Cinquante départemens seulement possèdent des succursales, car le département du Nord en a trois et celui de la Seine-Inférieure deux. Trente-six départemens, non compris ceux de la Savoie et de la Haute-Savoie, en sont privés[1]. La loi de 1857 impose à la Banque l’obligation d’ouvrir une succursale par département. On voit combien elle est loin de compte, et au train dont elle y va, il lui faudrait plus de vingt ans encore pour remplir son engagement. On se tromperait d’ailleurs en croyant qu’une succursale dessert tout le département où elle se trouve. Son action s’arrête au contraire dans un rayon très étroit, et il est plus facile d’y escompter du papier sur Paris ou sur une autre succursale que sur les petites villes voisines. Ce n’est déjà plus assez qu’un comptoir par département, il en faudrait un dans les principaux chefs-lieux d’arrondissement, et le moment approche où chaque arrondissement réclamera le sien. La France se divise en 373 arrondissemens. Quand un petit pays comme l’Ecosse, qui n’a pas le dixième de notre population, alimente 460 comptoirs ou un par 8,000 habitans, ce n’est pas une prétention bien exorbitante que d’en demander pour la France 373 ou un pour 100,000 habitans. Alors seulement l’organisation du crédit embrassera l’ensemble du territoire; jusque-là on ne fera rien que de partiel et d’incomplet.

Il suffit de 4 à 5 millions d’escomptes par an pour payer les frais d’un comptoir; la Banque de France en donne elle-même la preuve, puisque sa succursale de Bastia n’a fait en 1863 que 4,682, 000 fr.

  1. Ces départemens sont : Ain, Allier, Basses-Alpes. Hautes-Alpes, Ariège, Aveyron, Cantal, Cher, Corrèze, Côtes-du-Nord, Creuse, Dordogne, Drome, Eure, Eure-et-Loir, Gers, Jura, Landes, Loir-et-Cher, Haute-Loire, Lot, Lozère, Haute-Marne, Morbihan, Oise, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Haute-Saône, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Deux-Sèvres, Tarn, Tarn-et-Garonne, Vendée, Vosges, Yonne.