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comprendrait en moyenne que le tiers. Cette part suffirait pour qu’elle fit bientôt autant d’affaires qu’aujourd’hui. Elle n’aurait plus, il est vrai, ses grandes succursales de Lyon, de Marseille, de Bordeaux, de Nantes, de Toulouse; mais elle pourrait conserver celles de Lille, du Havre, de Rouen, de Saint-Quentin, de Valenciennes, qui n’ont pas beaucoup moins d’importance ; elle se délivrerait de quarante succursales lointaines et peu actives qui lui donnent plus de soucis que de profits, en les remplaçant par des villes plus rapprochées. Croit-on que Versailles, Chartres, Évreux, Beauvais, Laon, Alençon, Melun, Fontainebleau, Meaux, Étampes, Soissons, Lisieux Compiègne, Yvetot, Louviers, Pontoise, Corbeil, ne pourraient pas alimenter un comptoir tout aussi bien qu’Agen ou Châteauroux? Je ne prétends pas rechercher ici jusqu’à quel point les termes de la loi de 1857 donnent à la Banque le privilège unique et exclusif dont elle se prétend investie[1]. Je reconnais sans difficulté que, si elle n’a pas pour elle le texte de la loi, elle a l’usage, la possession, le sous-entendu : elle peut invoquer le principe error communis facit jus; mais le moment n’est peut-être pas éloigné où elle y renoncera d’elle-même. C’est dans trois ans, en 1867, que le gouvernement pourra exiger d’elle une succursale par département. Elle aura alors à examiner, dans son propre intérêt, si les charges du monopole n’excèdent pas les avantages. Rien n’empêche que ses actionnaires soient appelés, à titre de compensation, à verser en tout ou en partie le capital des banques nouvelles, ce qui facilitera peut-être une transaction.

Les objections qu’on oppose aux banques multiples sont de deux sortes : l’une porte sur la sécurité, qui serait moindre, dit-on, avec plusieurs banques qu’avec une, l’autre sur les avantages que présente pour la circulation l’unité du billet de banque. Ces objections n’ont quelque valeur qu’autant qu’on affecte de comparer la banque unique avec un nombre illimité d’entreprises libres agissant sans règle et sans mesure. Dès qu’il ne s’agit que d’un petit nombre de compagnies autorisées, tout change de face. On ne peut voir de différence pour la sécurité entre une ou plusieurs banques également constituées par la loi, sinon que plusieurs donnent plus de garanties qu’une seule. Toute banque présente des dangers; diviser les banques, c’est diviser le risque. Tout le monde connaît ce proverbe

  1. L’article 1er de la loi de 1857 est ainsi conçu : « Le privilège conféré à la Banque de France par les lois du 24 germinal an XI, 22 avril 1806 et 30 juin 1840, dont la durée expirait le 30 décembre 1867, est prorogée et ne prendra fin que le 31 décembre 1697. » Quand on se reporte aux lois de germinal an XI et de juin 1840, on trouve que toutes deux, l’une dans son article 31 et l’autre dans son article 8, réservent formellement l’existence des banques départementales.