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ciens souvenirs et à divers renseignemens que j’ai pu me procurer, donner ici une idée des forêts de la Corse, en faire connaître la difficile exploitation, montrer les résultats qu’on a déjà obtenus, et ceux qu’on peut en attendre encore; mais il faut avant tout dire un mot de la situation économique de cet étrange pays et des circonstances qui en ont jusqu’ici entravé le développement.


I.

Dans son ensemble, la Corse peut, ainsi que la Sardaigne, dont elle n’est séparée que par quelques kilomètres, être considérée comme la crête d’une chaîne de montagnes sous-marines dont les vallées sont recouvertes par les eaux, et dont les sommets les plus élevés surgissent seuls au-dessus des flots. Qu’on se figure le massif des Alpes transporté au milieu de la Méditerranée. L’île a la forme d’une ellipse dont le grand axe, dirigé du nord au sud, a, non compris l’appendice du Cap-Corse, environ 150 kilomètres de longueur. Sa superficie est de 8,747 kilomètres carrés. Dans un mémoire adressé en 1833 à la Société géologique, M. Jean Reynaud, qui était alors ingénieur des mines, signale dans la constitution de la Corse un double système de montagnes. La partie occidentale se compose d’une série de chaînes granitiques parallèles entre elles, se dirigeant du nord-est au sud-ouest, séparées par des vallées régulières peu étendues, et se terminant par des golfes profonds et d’un mouillage facile : tels sont les golfes de Porto, de Sagone, d’Ajaccio, de Valinco, etc. Les cours d’eau qui occupent le fond de ces vallées sont rapides et se rendent directement à la mer, presque sans recevoir aucun affluent. La partie orientale au contraire est une suite de chaînes irrégulières qui, allant du nord au sud, coupent transversalement le premier système, et forment par leur rencontre avec celui-ci une arête centrale comprenant les points les plus élevés de l’île. Le Monte-Doro (2,652 met.), le Monte-Rotondo (2,763 m.) et quelques autres se trouvent précisément sur cette ligne de séparation des deux systèmes. Dans la partie orientale, les vallées sont contournées et ramifiées, et les rivières qui recueillent les eaux des vallons latéraux ont un cours sinueux et un volume parfois considérable. Les montagnes, formées de schistes micacés et talqueux alternant avec des couches de grès, de calcaire et de serpentine, sont moins abruptes que les montagnes granitiques de l’ouest : elles s’abaissent peu à peu en s’approchant du rivage, et laissent entre elles et la mer une plaine de 10 kilomètres de large sur 80 kilomètres de long. Cette plaine, due à des alluvions anciennes, se prolonge