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sous les eaux avec une déclivité si faible, qu’à 50 mètres du rivage on trouve à peine 3 mètres de profondeur. Elle est marécageuse par places, mais extrêmement fertile, et quand elle aura été assainie, elle sera une véritable terre promise pour l’agriculture. Quant à la partie montagneuse, elle est naturellement plus aride, et les vallées seules semblent pouvoir être cultivées avec avantage.

Les flancs de ces montagnes renferment de grandes richesses minérales. Outre des mines de cuivre, qui paraissent devoir être très productives, on y rencontre le porphyre, le granité orbiculaire, tous deux très recherchés dans les arts; l’euphotide, appelé aussi vert de Corse (verde di Corsica), roche très dure, particulière à ce pays et susceptible d’un très beau poli; des marbres richement nuancés, dont l’exploitation commence à peine. Enfin on trouve de tous côtés des sources minérales très variées, dont la réputation ne s’est guère étendue jusqu’ici au-delà des limites de l’île.

Sous le rapport du climat, la Corse n’a rien à envier à l’Italie. Pendant les deux tiers de l’année, le soleil y brille de tout son éclat, sans qu’aucun nuage vienne jamais interrompre l’impitoyable monotonie d’un ciel toujours bleu. La température est tropicale pendant l’été sur les rivages que baignent les flots indolens de la Méditerranée; mais elle est supportable dans l’intérieur, où l’élévation corrige l’effet de la latitude. En hiver, il est rare qu’elle descende au-dessous de zéro, et on ne connaît guère la neige que dans les montagnes. Grâce à cette variété de climats, la Corse est propre à toute espèce de cultures. Si les oliviers, les chênes-lièges, les orangers, les citronniers, les cactus se montrent sur les côtes, les céréales, le maïs, la vigne, le châtaignier se rencontrent dans les régions tempérées de l’intérieur. Des maquis ou des forêts de plus maritimes et laricios tapissent les flancs des montagnes, dont les froides sommités sont occupées par des hêtres, des sapins et des bouleaux.

Voilà le contingent de la nature, ce qu’on pourrait appeler la mise de fonds de la Providence à l’égard de la Corse. Quel parti les habitans ont-ils su en tirer? A peu près aucun. Sans agriculture, sans industrie, sans commerce, ils sont affectés d’une pauvreté chronique dont ils se croient incapables de s’affranchir par eux-mêmes. Les rades naturelles, si merveilleusement distribuées, sont vides de bâtimens et de marins; les cours d’eau, au lieu de faire marcher des usines et d’irriguer des prairies, coulent inutiles et dangereux ; la terre se repose d’un travail qu’elle n’a pas fourni, et les hommes, drapés dans leur misère, usent en puériles querelles plus d’énergie qu’il ne leur en faudrait pour sortir de leur indigence. Aussi la population de la Corse n’est-elle que de 240,000 habitans, c’est-à-dire environ 27 par kilomètre carré, tandis que la