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a passé une partie de l’hiver dans son château de Schœnbrunn, près de Gorlitz; mais « c’est un lieu qui dans cette saison ressemble plus à un désert qu’à un endroit habitable. » Elle a fait un voyage en Silésie, mais c’était pour voir un vieil oncle auprès de qui elle a demeuré quatre semaines, et qui pourra lui rendre témoignage. Elle n’avait d’autre compagnie qu’une suivante. Si l’ancien page du comte, le déserteur Iago, est venu la trouver, c’était seulement pour la prier d’intercéder en sa faveur auprès du comte de Saxe. Bref, sa conscience est tranquille et défie toutes les accusations. Dans une lettre au général de Flemming, très mêlé aussi à ces affaires comme ministre absolu du roi, la comtesse Victoria semble disposée à faire quelques aveux. « Une jeune personne, — écrit-elle, et je cite sans traduire, car elle se sert ici de la langue française, — une jeune personne peut bien faire une faute, pourvu qu’elle se repente et se corrige. »

Se repentir! se corriger! on voit que la jeune femme ne demandait pas mieux que de se préparer un meilleur avenir. Supposé qu’elle fût coupable, elle l’était moins que le comte de Saxe, et en tout cas ce n’est pas elle qui a voulu le divorce. Pendant qu’elle songe à recommencer une existence nouvelle, Maurice ne cesse d’agir auprès d’elle par la prière ou par la menace, afin de la décider à rompre volontairement le lien qui les enchaîne. Il lui adresse un long mémoire tout rempli de ses reproches, lui promettant « de cacher ses désordres au public et de prendre sur lui la faute, si elle consent à se désister de bonne grâce. » Se désister, dans la pensée de Maurice, cela signifie renoncer au désir qu’elle a de rester comtesse de Saxe. Soit que la jeune femme, pressée de telles menaces, redoutât les scandales d’un procès, soit qu’elle désespérât de ramener jamais à elle l’homme qui la traitait si rudement, elle consentit à se désister, c’est-à-dire à demander son divorce avec le comte de Saxe, en invoquant les griefs que le comte lui fournissait si volontiers. Un des plus anciens biographes du maréchal a raconté fort en détail que le jeune comte s’était arrangé pour être surpris en flagrant délit d’adultère avec une femme de chambre de la comtesse, qu’une instruction judiciaire avait eu lieu à la suite de cet éclat, que le coupable avait été jugé et condamné à mort, mais que le soir même de sa condamnation, invité à la table du roi son père, il avait trouvé sous sa serviette le décret qui lui accordait sa grâce. On s’étonne que de telles histoires puissent s’accréditer sur la foi d’un chroniqueur suspect; on s’étonne surtout de les retrouver de nos jours en des livres estimables, après que la critique en a démontré l’invraisemblance. Maurice condamné à mort pour ses aventures ! la galanterie punie de mort sous le règne de Frédéric-Au-