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le désir d’avoir de ses nouvelles l’emporta. J’en dis quelques mots au baron d’un air assez indifférent : il me répondit que la comtesse était partie pour Paris afin d’assister au mariage d’une de ses amies, cette miss Olympia Barton à laquelle je n’avais pas voulu rendre visite à Greenwich, et qui épousait un attaché de l’ambassade anglaise, sir Edward Lowley. — Un charmant mariage, ajouta-t-il, entre gens qui s’aiment et qui sont faits pour se rendre heureux ; miss Olympia est une jeune personne pleine de grâce et de distinction, quoiqu’un peu romanesque : si vous l’aviez vue, elle vous aurait réconcilié avec les femmes.

Je lui demandai étourdiment si la jeune miss était pour quelque chose dans la combinaison de ces maudites toiles d’araignée dont il m’avait tant menacé avant mon mariage. Il me répondit par un sourire mystérieux. Décidément il y avait là-dessous quelque chose que je ne pouvais démêler.

Lorsqu’il m’eut quitté, je pris la plume pour écrire à la comtesse et lui demander la raison de son brusque départ. Qui le croira ? je ne pouvais tracer sur le papier le nom de Camille sans un frémissement intérieur, et je recommençai trois fois ma lettre pour le seul plaisir de le récrire, ce nom si doux.

Comme j’éprouvais le plus vif désir de revoir cette jeune femme, qui m’était maintenant aussi chère qu’elle m’avait été d’abord odieuse, j’eus dans ma lettre des réticences, des choses voilées, des délicatesses de style infinies. J’espérais qu’elle m’entendrait à demi-mot, et pour toute réponse reviendrait bien vite à Saverne ; mais je fus trompé dans mon attente, soit que le mariage de miss Olympia la retînt à Paris malgré elle, soit que quelque autre cause plus intime et toute personnelle, quelque mystérieuse pudeur, la détournât de se jeter ainsi dans les bras d’un homme qui l’avait si longtemps dédaignée. Les femmes sont presque toujours maîtresses de leurs sentimens, même les plus impétueux, ou, pour mieux dire, il y a chez elles tant de nuances diverses qu’elles vont rarement à leur but par la ligne la plus directe et la plus courte. La comtesse m’écrivit qu’elle ne pourrait être à Saverne que dans quelques jours, et qu’elle y reviendrait accompagnée de miss Olympia et de son mari. Il ne me restait plus qu’à me résigner.

La prochaine visite de lady Olympia et de son mari me suggéra une idée singulière : celle de m’offrir à moi-même une fête à l’occasion de la venue des nouveaux époux. Mes noces n’avaient été qu’un simple spectacle, une cérémonie vide de sens ; il fallait cette fois que rien ne manquât pour les célébrer dignement. Le jour même, George partit pour Paris muni des instructions les plus détaillées.