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compte, de favoriser la sortie des espèces et de mettre en péril la réserve métallique sur laquelle s’appuie le crédit des 750 ou 800 millions en billets de banque qui font partie de notre numéraire circulant. Une fausse mesure à cet égard, la moindre défaillance, peuvent produire les complications les plus graves. Ne négligeons point de défendre la convertibilité constante de notre billet de banque en espèces ; prenons garde de laisser un seul moment une issue ouverte au cours forcé et au papier-monnaie. Le péril n’est point imaginaire, car il y a malheureusement en France une école de mystiques économistes doublés d’un essaim remuant de spéculateurs qui ne cesse de rêver au papier-monnaie, et qui voit dans un développement artificiel du crédit basé sur des émissions illimitées de papier le secret de la richesse universelle. Il n’y a qu’un seul préservatif efficace contre ce danger que nous effleurons depuis six mois, et qui menace de nous assiéger cette année encore, c’est de maintenir le capital, l’argent et le crédit à leur prix vrai, tel qu’il résulte de la présente situation industrielle et commerciale du monde, en conservant l’intérêt à un taux élevé. Il en est du capital et de son instrument le plus actif, le numéraire, il en est par conséquent du crédit, cet auxiliaire moral du capital et de la monnaie, comme de toutes les marchandises et de tous les services : la cherté seule, c’est-à-dire la demande sous sa forme la plus pressante, rappelle l’abondance, c’est-à-dire l’offre ; le bon marché amené par des combinaisons artificielles éloigne l’offre au contraire et ne fait que perpétuer la disette. On peut envisager l’avenir sans défiance, on luttera victorieusement contre les difficultés de la situation monétaire, si l’on s’en tient fermement à ces principes, si l’on ne s’en laisse détourner par aucune pusillanimité ou par aucun calcul subalterne. Nous croyons que si dès le mois d’octobre dernier la Banque de France avait, sans hésitation, sans tergiversation, sans interruption, soutenu l’escompte à un cours rigoureux, les embarras ne se fussent point prolongés, et que son encaisse serait, à l’heure qu’il est, reconstitué. Le gouvernement, qui a en France une action trop directe sur la Banque, fera bien de profiter de l’expérience de l’année dernière, et de laisser cet établissement observer avec précision les lois du crédit, dont il est chez nous le dispensateur et le régulateur le plus élevé.

La nécessité de se conformer aveuglément aux lois naturelles du crédit est d’autant plus grande à notre époque pour les banques, qu’une solidarité plus vaste et plus étendue enveloppe aujourd’hui le commerce de chaque peuple dans les fluctuations du commerce du monde. Au milieu de cette solidarité, il devient impossible de parer à telle ou telle situation par des expédions particuliers. Ne pouvant, dans cette immensité, saisir et démêler exactement tous les rapports qui unissent entre eux les phénomènes particuliers, le plus sage et le plus sûr est de ne pas se fier à des calculs hasardeux, et de suivre avec simplicité les grandes règles qui ne sauraient tromper. Qui pourrait, par exemple, prédire dès à présent quel