Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/498

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venus inspire aux capitaux de si étranges illusions de confiance. Le résultat de la souscription montre qu’en Angleterre comme en France la foi a été fort tiède. Nous le répétons, c’est avec regret que nous voyons cet échec. Puisque l’on a tenté l’expérience d’une rénovation mexicaine, nous eussions souhaité du moins qu’elle débutât avec toutes les chances possibles de succès : nous eussions désiré surtout que le placement total de l’emprunt hâtât le moment où la France sera, au point de vue financier comme au point de vue militaire, complètement dégagée de cette lointaine et incertaine entreprise.

M. Berryer a rempli le devoir d’un député prévoyant en appelant l’attention du gouvernement et du pays sur la difficile situation de crédit que le monde industriel et commercial traverse en ce moment. Le taux de l’escompte est porté à Londres et à Paris à un degré d’élévation qui s’est vu rarement, surtout à cette époque de l’année. L’escompte est à 9 à la Banque d’Angleterre, à 8 à la Banque de France. L’encaisse métallique de la Banque de France demeure depuis six mois dans un état d’affaiblissement qui est fait sinon pour inspirer des inquiétudes, du moins pour conseiller à tous une grande vigilance et une extrême prudence. Cet encaisse s’est un peu accru depuis un mois ; mais il n’est encore que de 242 millions. Si l’on avait l’assurance que les besoins du commerce et des entreprises étrangères dans lesquelles les capitaux français sont engagés n’entraîneront pas cette année de nouvelles exportations d’or, on pourrait fermer les yeux sur cette situation ; mais le mois de mai est habituellement celui où l’encaisse de la Banque atteint le niveau le plus élevé de l’année. Dans les temps ordinaires, entre le printemps et l’automne, pour les besoins du commerce local ou pour payer des matières premières que notre industrie achète dans les pays voisins, notre encaisse décroît d’une centaine de millions. L’année dernière, la sortie du numéraire fut plus considérable sous l’influence exceptionnelle des grands achats de coton effectués dans le Levant, en Égypte et dans l’Inde. Il y a un an, l’encaisse était de 394 millions ; six mois après, en novembre, il était tombé aux environs de 200 millions, et il était descendu à 169 en janvier dernier. La sortie des espèces depuis le mois de mai dépassait donc 200 millions à la fin de 1863. Le doute qui s’élève aujourd’hui est celui-ci : l’année 1864, au point de vue du mouvement du numéraire, sera-t-elle une année ordinaire, ou, comme l’année 1863, une année exceptionnelle ? Si elle est une année exceptionnelle, si elle doit faire face à une sortie d’espèces de 200 millions, l’encaisse d’où nous partons en mai, et qui n’est que de 242 millions, nous place dans des conditions extrêmement défavorables. — La situation serait moins grave, si 1864 est une année ordinaire ; cependant la chance de voir cet automne l’encaisse tomber aux environs de 150 millions nous ouvre une perspective peu encourageante. Le danger sur lequel il faut avoir les yeux ouverts est celui-ci : il faut craindre, par des relâchemens intempestifs du taux de l’es-