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L’esprit entreprenant et explorateur de la race anglo-saxonne, son caractère énergique et industrieux, son esprit d’ordre et d’économie, qualités puissantes dans la lutte où elle était engagée, et dont elle donnait de si éclatans témoignages ;

La constitution anglaise et le respect dans toutes les classes de la société pour des institutions qui, conciliant le principe de liberté avec celui d’autorité, mettaient le pays, par le contrôle sérieux et efficace de ses représentans, à l’abri des empiétemens du pouvoir et des entreprises plus ou moins réfléchies et utiles où il pouvait l’engager. — La guerre contre la France était populaire, et en la poursuivant avec énergie Pitt ne faisait que répondre au sentiment national. Aussi chacun le soutenait avec la confiance que le jour où il serait possible de conclure une paix conforme aux intérêts et à l’honneur du pays, le gouvernement, responsable devant le parlement, ne refuserait pas de la signer. De là le concours dont il était entouré, ces souscriptions publiques si rapidement remplies, ces emprunts si aisément contractés, cette sécurité avec laquelle le commerce et l’industrie se livraient à leurs spéculations.

D’autres causes cependant contribuaient encore à ce progrès, les unes nées des événemens, les autres qui tenaient à l’habileté même du premier ministre : ainsi la suprématie acquise sur toutes les mers par la marine anglaise, la protection qu’elle donnait au pavillon national, le débouché assuré à tous les produits indigènes ou autres transportés sous ce pavillon, — l’honnêteté dans le gouvernement et l’exécution rigoureuse de tous les engagemens contractés par l’état, — les diverses mesures prises pour maintenir et fortifier le crédit public, telles que le paiement des traites du trésor à un terme plus rapproché, les consolidations successives des bons de la marine et de l’échiquier, — l’action constante de l’amortissement dont le fonds, au milieu de tous les embarras et de tous les besoins du trésor, n’avait jamais été détourné de sa destination et avait toujours fourni un acheteur aux créanciers de l’état désireux de réaliser un capital. Il faut ajouter enfin qu’en choisissant les nouvelles taxes le gouvernement avait tenu grand compte de l’effet qu’elles pourraient avoir sur le commerce et l’industrie, qu’il avait épargné autant que possible les matières premières ainsi que les objets de première nécessité, et qu’elles portaient principalement sur les articles de luxe et de convenance.

Quelques mois encore, et l’administration de Pitt touchait à sa fin; l’opinion qui a longtemps attribué la résolution qu’il prit de se démettre du pouvoir à la répugnance qu’il aurait eue de conclure lui-même une paix devenue nécessaire, n’est justifiée ni par les principes qui jusqu’alors avaient dirigé sa politique, ni par sa conduite après sa sortie des affaires. Pitt n’avait jamais été systématiquement