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essais malheureux, si, par cela seul qu’ils sont faits en dehors de l’art, ils n’échappaient forcément à la critique sérieuse. — L’an dernier[1], nous avons cru devoir reprocher à deux artistes de talent, — MM. Cabanel et Baudry, — la façon ambiguë dont ils avaient traité des figures de femmes nues, la Naissance de Vénus, la Vague et la Perle. Ces deux toiles ont obtenu un succès de curiosité où l’intérêt de l’art n’avait, je crois, qu’une part bien médiocre; de plus, des encouragemens tombés de haut sont venus raffermir ces peintres dans la voie qu’ils suivaient. Un tel exemple n’a pas été perdu, et cette année le Salon n’est plein que de Vénus, de Dianes, d’Èves, de nymphes, de baigneuses vues sous tous les aspects et retournées sous toutes les formes. C’est trop, car là il est évident que, le nu n’étant pas le but, il ne peut être que le prétexte. Il est cependant facile de rester chaste, de ne perdre aucune de ses qualités d’artiste, et de ne point s’égarer dans des recherches au moins inutiles : on peut s’en convaincre en regardant une charmante étude d’enfant de M. Amaury Duval; on verra que ce n’est pas en vain que M. Amaury Duval appartient à la grande école, qui compte aujourd’hui si peu de représentans, et qu’il a traversé l’atelier de M. Ingres. Où en est la tradition de la peinture française, s’il suffit qu’un tableau douteux soit apprécié sous certains rapports et soit acheté par de hauts personnages, pour qu’immédiatement les peintres se mettent à l’imiter, et renchérissent encore sur le choix du sujet et sur la manière de le présenter au public? Toutes ces toiles qui n’ont rien d’épique, et où par conséquent le nu n’était point indispensable, sont de simples tableaux de genre agrandis sans motif, propres à orner des boudoirs, et n’ont rien à faire, selon nous, dans une exposition sérieuse. Une exécution imparfaite les rend disgracieux, souvent ridicules et presque toujours désagréables à voir.


I.

S’il est un art qui devrait éviter ces afféteries de mauvais aloi, c’est certainement la sculpture, qui en quelque sorte est l’art abstrait, puisque, privé des ressources considérables de la couleur, il en est réduit à la ligne seule. Cependant il n’échappe point à l’épidémie, il succombe, comme la peinture, à l’affaissement général. Rude, Pradier, David, sont morts; qui les remplace? Qui a saisi d’une main victorieuse l’ébauchoir qu’ils maniaient si magistralement? Personne. On ne peut s’empêcher de s’affliger en parcourant ce grand jardin où l’on a réuni les produits de la statuaire contemporaine. De combien de ces œuvres ne pourrait-on pas dire

  1. Voyez la Revue du 15 juin 1863.