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elles soutenu, a été abrogé par la guerre; M. de Beust n’avait pas même besoin de cet argument. Il lui suffisait de dire que la diète n’avait point participé au traité. Le terrain du traité a dû être quelque temps défendu par l’Angleterre, la Russie et la France. Là s’élevait une question de principe : en admettant que le traité pût être abrogé par la guerre survenue entre le Danemark et les puissances germaniques, pouvait-il être annulé entre les puissances germaniques et les puissances neutres? Un traité n’oblige-t-il point réciproquement et solidairement les uns envers les autres tous ceux qui l’ont signé? Lord Russell, lord Clarendon, M, de Brunnow, qui a été le principal négociateur de la convention de 1852, ont dû vivement insister sur ce point. La résistance de la Prusse et de l’Autriche a été invincible, la Prusse se cantonnant dans une question de forme, et prétendant que, les ratifications n’ayant pas été échangées entre les six puissances, elle n’avait en réalité traité en 1852 qu’avec le Danemark. On a dû abandonner la question de principe; mais dans la pratique pourquoi ne pas prendre le traité comme point de départ? Il nous semble à ce propos entendre M. de Brunnow prodiguer à ses collègues allemands les admonitions conservatrices, car la Russie a repris dans les conseils européens la tutelle des intérêts conservateurs; il nous semble voir le malheureux lord Russell, qui a foi dans les dépêches, puisqu’il en écrit tant, tirer de son portefeuille les dépêches de janvier, dans lesquelles, avant d’envahir le Slesvig, les ministres de Prusse et d’Autriche reconnaissaient encore la validité du traité de 1852; il nous semble voir lord Clarendon essayant de la méthode insinuante, invoquant la raison pratique, l’expediency si chère aux Anglais, et alléguant que, même en abandonnant la validité absolue du traité de 1852, la bonne règle était de s’en écarter le moins possible, et le bon ordre de discussion de l’adopter pour type, sauf à y introduire les variantes devenues et jugées nécessaires. Mais M. de Bernstorf est inflexible; il repousse les entraves d’un contrat antérieur, la Prusse veut avoir devant elle table rase et instituer des arrangemens nouveaux. Nous imaginons qu’il a suffi au représentant de la France d’être de son pays et d’aimer les choses claires pour être fatigué de ces subtilités et de ces chicanes. Il a dû dire aux représentans prussien et autrichien : Expliquez-vous, soyez précis; avant que la base naturelle de la négociation soit abandonnée, faites-nous connaître du moins ce que vous voulez et la combinaison que vous avez à nous proposer. La tactique des plénipotentiaires allemands, pressés par une interrogation nette, aura vraisemblablement été curieuse. Ah! vous voulez savoir si nous avons quelque chose à proposer? vous voulez connaître notre combinaison? Eh bien ! oui, nous avons une combinaison, nous vous la révélerons à notre heure, et cette heure ne sonnera que lorsque vous aurez renoncé au traité de 1852. Pour le moment, contentez-vous de cette déclaration : nous voulons poser la base d’une paix solide, et pour établir cette paix il faut que l’indépendance du Slesvig et du Hol-