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stein vis-à-vis du Danemark soit complète, et que les duchés soient étroitement unis entre eux par les mêmes institutions. On devait se récrier sur une telle déclaration qui laissait la porte ouverte aux combinaisons les plus diverses. Devant certaines conséquences de la déclaration prussienne, les envoyés danois ne pouvaient que protester en arguant de l’insuffisance de leurs pouvoirs. Une de ces conséquences était la combinaison que l’on a nommée l’union personnelle, qui, tout en établissant la séparation politique des duchés et du Danemark, aurait laissé à leur tête le même souverain. Dans la première moitié de ce mois-ci encore, ce système eût pu avoir l’adhésion de l’Autriche et de l’Angleterre; mais il répugne également au Danemark et à l’Allemagne, il perpétue les complications, il ne pacifie point. Si la France ne cherche dans les arrangemens à prendre que les conditions d’une paix durable, elle ne peut épouser cette combinaison. En tout cas, la première question soulevée par la déclaration prussienne est celle du souverain qui devra être donné aux duchés. Quel serait le souverain? a-t-on dû demander. Pour le Holstein, a dû dire M. de Beust avec un mélange de modération et de fermeté qui marquât bien la position distincte de la troisième Allemagne en dehors et à côté de la Prusse et de l’Autriche, pour le Holstein (M. de Beust ne doit point nommer le Slesvig, qui est l’affaire de ses puissans confédérés), c’est à la diète germanique qu’il appartient de rechercher le souverain légitime et de le désigner. — Vous nous la baillez belle, monsieur de Beust! Avec ses procédures légales actuelles, il faut à la diète au moins deux années pour juger le procès de légitimité que vous évoquez en son nom. Or vous et vos amis, vous ne cachez pas que tant qu’un arrangement définitif ne sera pas conclu, vous occuperez le Holstein, le Slesvig et le Jutland. C’est donc à une occupation indéfinie de la presqu’île danoise, c’est à un démembrement indéterminé du Danemark qu’aboutissent les prétentions allemandes, lorsque l’Europe réclame une paix immédiate et quelque chose qui ressemble au respect de l’intégrité danoise.

Nous supposons que les choses n’étaient pas plus débrouillées que cela lorsque la conférence, après sa cinquième séance, celle du 17 mai, se séparait à l’occasion des vacances de la Pentecôte. En présence de cette confusion, les grands gouvernemens, qui tenaient à faire avancer la négociation, ont dû prendre le parti de demander aux puissances allemandes des combinaisons précises et se mettre en mesure d’en présenter eux-mêmes. Il fallait en finir avec une scolastique qui ne procédait que par des déclarations générales, des réserves subtiles et des réticences captieuses. Il fallait introduire au moins dans la discussion un projet pratique qui eût quelque chance et quelque apparence d’amener une pacification permanente entre le Danemark et ses avides voisins. Il paraît que la Prusse et l’Autriche, fidèles à leur habitude de ne s’avancer que pas à pas, de ne pas démasquer avant l’heure leurs desseins réels, à qui il ne coûte rien de mettre en avant