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connue, et par exemple la question de succession, dans une grave conjoncture, y a été tranchée par les cours étrangères sans qu’on daignât même la consulter. Est-ce la faute du Danemark? Non assurément; le souverain de la petite monarchie danoise n’a pas excédé, dans ces transactions, la limite de ses droits et de ses devoirs, tels que les traités de 1815 les avaient fixés. Il est douteux qu’on puisse montrer un texte en vertu duquel la signature de la diète de Francfort ait été évidemment nécessaire au bas du traité de 1852, et si l’on cherche dans l’histoire des trente ou quarante dernières années des exemples à l’appui de cette prétention fédérale, on n’en trouvera pas. La diète a pris part, il est vrai, aux stipulations qui ont jadis constitué le royaume de Belgique, mais elle intervenait là très régulièrement, parce qu’il s’agissait d’un remaniement de territoire où des parties du sol dépendant de la confédération germanique étaient impliquées. Il est si peu permis d’accuser le Danemark sur ce point et de l’attaquer, comme on l’a fait, à cette occasion, que la Prusse et l’Autriche elles-mêmes l’ont détourné en 1852 de demander la signature de Francfort; elles croyaient alors à l’incompétence de la diète, qu’elles dédaignaient : comment ces mêmes cours viennent-elles cependant déclarer aujourd’hui le traité non valable parce que la diète ne l’a pas accepté? Que la diète elle-même élève cette prétention, cela ne nous étonne pas. Il y a au-delà du Rhin un groupe d’états intermédiaires qui forme, en dehors de la Prusse et de l’Autriche, la véritable Allemagne, grande et noble nation de quinze à vingt millions d’âmes, qui n’a commis encore aucune des injustices ni des violences dont l’histoire des Habsbourg et des Hohenzollern est remplie. Ce groupe a été jusqu’à présent tenu à l’écart, dédaigné, menacé même par les deux grandes puissances allemandes, et maltraité à leur profit par la constitution imposée en 1815 à tout le corps germanique; il demande à vivre, il veut faire valoir sa force réelle et sa dignité, et sans doute il est temps que l’Europe, dans l’intérêt de son repos et de la justice, intervienne pour lui faire rendre ce qui lui est dû. M. de Beust s’est fait, depuis plusieurs années déjà, l’organe de ce mouvement et de ces aspirations légitimes. On n’a pas oublié son projet de réforme fédérale en 1861; la position qu’il vient de prendre à la tête des états moyens et comme représentant de la diète de Francfort lui donnera l’autorité suffisante pour reprendre une œuvre devenue nécessaire, et en même temps, nous l’espérons du moins, pour se contenir dans les limites de la modération.

Il y aurait donc lieu de faire droit à certains intérêts allemands représentés par la diète, et qui ne sont pas en désaccord avec l’intérêt européen; mais que veut la Prusse, et comment la satisfaire, elle en particulier? Elle se dit l’épée de l’Allemagne, et cette fois encore, en dépit de la diète, c’est elle seule, à vrai dire, qui s’est chargée de toute la guerre. L’Autriche n’a fait que suivre, pour ne pas lui laisser tout l’honneur de triomphes si glorieux, et pour rester en mesure de contrôler et de balancer