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bien comprises ni aussi nettement définies. Dans les entreprises analogues tentées depuis le XVIIe siècle, jamais intentions plus justes ne s’étaient formulées sous des dehors mieux faits pour persuader. A quoi bon insister au surplus? En poursuivant de louanges banales, à force d’être méritées, une œuvre connue de tous et unanimement admirée, nous n’arriverions qu’à nous faire l’écho de nos propres paroles, ou, ce qui serait bien autrement superflu, l’écho des paroles prononcées, dès les premiers jours, par un juge dont on n’oublie pas les arrêts[1].

A ne considérer que le style et les caractères matériels de la pratique, les peintures de la frise de Saint-Vincent-de-Paul, comme celles de Saint-Paul à Nîmes, comme les peintures exécutées plus récemment dans la nef de Saint-Germain-des-Prés, — de tels travaux suffiraient pour assurer à la mémoire de celui qui les a faits le respect que commandent les témoignages d’une science magistrale, d’une expérience de l’art consommée. Le talent qu’ils attestent toutefois a des titres à la vénération plus considérables encore et des élémens d’influence plus puissans, car ce talent, si savant qu’il soit, résulte principalement d’une rare sincérité morale : il manifeste, avant tout, une âme. De là cette action pénétrante qu’il exerce même sur les esprits les moins enclins à la foi, de là cette infaillible sympathie qu’il suscite chez tous ceux qui en contemplent les preuves, ou, pour parler plus exactement, les aveux. On croit à l’autorité du maître et à son éloquence, parce que lui-même a cru aux choses dont son pinceau nous parle; on se sent ému de son émotion, atteint, comme d’une contagion bienfaisante, de cet attendrissement chrétien que respirent ses ouvrages, parce qu’il l’a éprouvé en face de chaque tâche, non par un effort de la volonté ou par un mouvement accidentel de l’intelligence, mais en vertu des élans accoutumés et des besoins innés de son cœur. Dans ces régions éthérées que le génie de fra Angelico avait autrefois visitées, la pensée de Flandrin volait à son tour d’une aile éprouvée et confiante. Lorsque la main du doux maître traçait sur les murs des églises le poème des miséricordes divines, lorsqu’elle célébrait en termes si purs la résignation et l’amour, elle semblait bien moins accomplir un travail qu’obéir à une vocation naturelle, et traduire, au lieu d’intentions calculées, des sentimens familiers ou des souvenirs.

Ce n’est pas d’ailleurs dans ses peintures monumentales seulement ou dans ses tableaux appartenant à un ordre de sujets expressément religieux que Flandrin nous révèle l’élévation de ses in-

  1. Voyez dans la Revue du 1er décembre 1853 les Peintures de Saint-Vincent-de-Paul, par M. Vitet.