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péenne. Il serait insensé de vouloir peser de quelque poids là où l’on ne compte guère et où l’on n’a point d’intérêt sérieux engagé. Heureusement notre concession de Shang-haï suffit à imposer le respect; notre commerce y lie des relations nombreuses avec les commerçans indigènes, les missionnaires y répandent leur influence morale, et notre division navale, qui y tient sa station en force égale à celle des Anglais, dont les vaisseaux sont disséminés dans différens ports, apprend aux populations que nous sommes une des plus puissantes nations de l’Occident.

A Hong-kong, nos intérêts commerciaux ne se sont pas développés autant qu’à Shang-haï, qui, par son voisinage des districts de soie, restera toujours le centre de nos transactions; ils y ont pris cependant depuis quelques années une assez grande importance. Plusieurs maisons y prospèrent; le Comptoir d’escompte et diverses compagnies d’assurance y tiennent des bureaux; les Messageries impériales y ont placé leur tête de ligne et doivent y créer des établissemens considérables. A Canton, nous ne figurons plus qu’au double point de vue politique et religieux. Ce port, depuis l’ouverture du Yang-tse-kiang ou Fleuve Bleu, a perdu une grande partie des produits qu’y allaient acheter les spéculateurs, notamment les thés du Hou-nan et du Kiang-si, qui maintenant prennent la route des lacs Tang-ting et Payang, et ont pour marchés les ports voisins de ces lacs. Il y a quelques années, Canton était le centre d’une émigration considérable, ou plutôt d’une traite infâme de coulies faite pour l’île de Cuba et pour les îles Chinchas dans le Pérou. Les souvenirs de cette traite poursuivent encore les populations qui en furent victimes. La commission alliée chargée du gouvernement de Canton après la prise de la ville supprima ce honteux trafic, et établit à sa place une émigration honnête et bien surveillée. Plusieurs nations y prirent part dans les commencemens; mais les Espagnols et les Péruviens ne tardèrent pas à y renoncer à cause du contrôle sévère qui leur était imposé. Les Français firent pour les Antilles quelques opérations qui, mal dirigées et confiées à une compagnie sans moyens suffisans, ne réussirent pas. Les Anglais au contraire installèrent, selon leur habitude, des agens capables et bien rétribués, fondèrent des établissemens considérables qui créèrent des succursales dans la province, et arrivèrent à tenir dans leurs mains toute l’émigration. Nous avons perdu ainsi l’occasion de procurer à nos colonies les bras qui leur manquent. Nous n’en sommes pas moins, sous le rapport politique, les égaux des Anglais à Canton, et notre consul, comme le leur, a son hôtel au centre même de la ville, ce qui permet une surveillance plus directe de la politique des mandarins, et ce qui empêche de fermer, comme avant la guerre.