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qu’ils seront appuyés par la reconnaissance des populations du territoire de Ning-po; ces populations en effet n’oublieront pas qu’au temps où on les avait abandonnées à leur malheureux sort, elles ont été délivrées par des armes françaises.

Le succès exerce sur tous les peuples, et principalement sur un peuple fataliste comme les Chinois, une influence morale incontestable. Les succès des troupes franco-chinoises leur ont valu cette autorité : la laisser perdre ou ne pas la fortifier serait une des plus grandes fautes que l’on puisse commettre en Orient; elle est le plus sûr moyen d’étendre notre action politique et nos relations commerciales, d’assurer le progrès de nos idées religieuses et civilisatrices. Les Anglais ne s’y trompent pas. Ils savent qu’un corps de quelques mille réguliers, sous la direction d’officiers européens, suffit à imposer le respect à des populations innombrables; ils savent aussi que ces officiers lancés ainsi dans l’intérieur de l’empire peuvent mieux que personne, à cause du besoin qu’en ont les Chinois dans les momens de danger, pénétrer les secrets de leur organisation sociale, gagner par la douceur ou dominer par la crainte les mandarins, et surtout déjouer toutes les intrigues, qu’elles viennent de l’intérieur ou des étrangers. La France ne doit donc pas, quelles que soient les difficultés et les oppositions, abandonner le poste qu’elle a conquis et payé du sang de ses soldats. C’est à elle qu’il appartient de chasser les rebelles de Hong-tcheou, tandis que les Anglais délivreront Sou-tcheou. Il ne restera plus aux Taï-pings que Nankin, d’où ils ne tarderont pas à sortir, effrayés par leurs revers successifs. On verra alors en peu de temps leurs bandes se dissoudre et disparaître. Que fera la dynastie mantchoue, sauvée ainsi par les puissances occidentales? Il faut espérer de la sagesse de son gouvernement actuel qu’il ne rejettera pas les obligations d’une légitime reconnaissance, et qu’il conservera comme gage de sécurité les troupes régulières. S’il en était autrement, le système permanent de corruption et d’exactions qui a favorisé le soulèvement des Taï-pings ne tarderait pas à provoquer une nouvelle insurrection, contre laquelle la cour de Pékin n’aurait d’autre ressource que d’invoquer encore une fois le secours des nations étrangères.


III.

Les missions, jadis l’unique explication que la France avait à donner de sa présence en Chine, restent encore pour elle un puissant moyen d’influence. On estime que le nombre des chrétiens dans la province de Kiang-sou approche de cinquante mille ; dans le Tche--