Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/990

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’acquitteraient les officiers qui, pour se procurer les munitions et les approvisionnemens de toute espèce, avaient souscrit chacun au moins 100,000 francs de billets? Dans l’ordre impérial qui confiait au contingent la mission de chasser les rebelles du Tche-kiang, il avait été spécifié que le foutaï pourrait le licencier après la prise de Kin-hoa, s’il se jugeait capable de délivrer le reste de la province. Kin-hoa étant libre, le foutaï espéra bien profiter de cette clause pour se débarrasser des troupes formées à l’européenne, dont la comparaison avec les siennes était si désavantageuse à ces dernières. Aussi intima-t-il aux autorités de Ning-po l’ordre verbal de dissoudre le contingent. Les mandarins, qui avaient encore trop présent le souvenir des services rendus, et qui préféraient de beaucoup les réguliers aux braves contre les attaques possibles des rebelles, n’exécutèrent pas complètement les volontés du foutaï; mais ils n’osèrent pas non plus lui résister tout à fait, et, prenant un moyen terme, ils décidèrent que le contingent, n’ayant plus d’autre mission que de garder le territoire qu’il avait repris, serait réduit à quinze cents hommes. Quant aux officiers, ils eurent beaucoup de peine à faire payer leurs billets; l’argent ne fut remis qu’avec colère et menace.

Nous sommes ainsi arrivés à une situation qui nous met pour le moment dans l’impossibilité de poursuivre nos opérations militaires, et nous sommes obligés d’attendre qu’un nouveau décret impérial prescrive au contingent de continuer son œuvre au-delà de la baie de Hong-tcheou. La légation de France s’est chargée de l’obtenir. Le succès n’est pas douteux. Les gouverneurs de province voient sans doute avec déplaisir des étrangers se placer à côté d’eux et paralyser leur système de corruption et de vénalité; mais le prince-régent et les autres hommes éclairés qui occupent le premier rang dans les conseils de la cour de Pékin ne font pas difficulté de reconnaître que l’empire doit son salut aux étrangers, et que sans leur assistance il ne peut échapper à la crise qu’il traverse. Ils n’ignorent pas que le licenciement des réguliers serait pour les rebelles le signal d’une nouvelle invasion dans la province de Ning-po, et que ce port tomberait de nouveau entre leurs mains. Les moyens dilatoires que ne manqueront pas de trouver les mandarins pour gagner du temps et user la question resteront sans effet auprès du gouvernement impérial, si nous savons lutter avec eux de calme et de persévérance. La force d’inertie des Chinois ne l’emporte que sur les mouvemens impétueux et sur les ardeurs irréfléchies; elle finit par céder à la fermeté de l’Européen qui persiste dans ses desseins avec la conscience de son droit. Nos diplomates le savent, et la sagesse de leurs démarches aura des résultats d’autant plus heureux