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la source commune où elles puisent toute la vie qu’elles sont menacées de voir tarir.

Je crains que le sentiment de ce péril commun ne soit pas dans toutes les églises chrétiennes aussi clair, aussi profond, aussi dominant que l’exige le salut commun. Je crains qu’en présence des mêmes questions partout soulevées et des mêmes attaques partout dirigées contre les faits et les dogmes vitaux de la religion chrétienne, les chrétiens des communions diverses ne concentrent pas assez toutes leurs forces sur la grande lutte qu’ils ont tous à soutenir. Je le crains sans m’en étonner beaucoup. Quoique le péril soit le même pour tous, les traditions, les habitudes et par conséquent les dispositions actuelles sont diverses. Beaucoup de catholiques se persuadent que la foi serait sauvée, s’ils étaient délivrés de la liberté de la pensée. Beaucoup de protestans croient qu’ils ne font qu’user du libre examen et qu’ils restent chrétiens quand ils abandonnent les bases et s’éloignent des sources de la foi. Le catholicisme n’a pas assez de confiance dans ses racines et tient trop à toutes ses branches ; il n’y a point d’arbre qui n’ait besoin d’être cultivé et émondé selon les climats et les saisons pour porter toujours de bons fruits ; ce sont les racines qu’il faut défendre de toute atteinte. Le protestantisme oublie trop que, lui aussi, il a des racines dont il ne saurait se séparer sans périr, et que la religion n’est pas une plante annuelle que les hommes cultivent et renouvellent à leur gré. Les catholiques ont trop peur de la liberté ; les protestans ont trop peur de l’autorité. Les uns croient que, parce que la foi religieuse a des points fixes, la société religieuse ne comporte pas le mouvement et le progrès ; les autres disent que la société religieuse ne saurait avoir des points fixes, et que la religion réside dans le sentiment religieux et la croyance individuelle. Que serait devenu le christianisme, s’il s’était condamné dès sa naissance à l’immobilité que les uns lui recommandent, et que deviendrait-il aujourd’hui, s’il était livré, comme le veulent les autres, au caprice de chaque esprit et au vent de chaque jour ?

Heureusement Dieu ne permet pas que, dans cette crise, les vrais principes et les vrais intérêts de la religion chrétienne restent sans d’efficaces défenseurs. Il y a des catholiques qui comprennent leur temps et le nouvel état social, et qui acceptent franchement ses libertés religieuses et politiques, et ce sont précisément ceux-là qui ont le plus hardiment témoigné leur attachement à la foi catholique, qui ont réclamé avec le plus d’ardeur les propres libertés de leur église et défendu avec le plus d’énergie les droits de son chef. Il y a des protestans qui ont usé avec un zèle infatigable de toutes les libertés acquises de nos jours au protestantisme ; ils ont fondé