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avait grandi M. Fontes Pereira de Mello. Tour à tour ministre des finances et des travaux publics, une première fois de 1851 à 1856, une deuxième de 1856 à 1861, M. Fontes Pereira fut moins heureux dans son second passage aux affaires que dans le premier ; il n’avait plus alors pour le guider la main habile de Rodrigo da Fonseca. C’est un administrateur habile et honnête, mais paresseux ; il excelle à présenter sous une forme séduisante les questions les plus arides, mais il plaît sans dominer. M. Cazal Ribeiro est une vigoureuse intelligence, et nos finances doivent beaucoup à son initiative. Parmi les hommes de la régénération, il faut encore nommer MM. Serpa Pimentel, Martens Ferrâo. Le marquis de Loulé, grand seigneur de race (il appartient à l’une des plus vieilles familles de Portugal) et libéral de tradition, ne dirige ni ne domine le parti historico-progressiste, dont il est devenu le chef ; mais il lui prête l’appui de sa faveur au palais. Le marquis n’est pas orateur. On lui fait difficilement aborder la tribune ; s’il s’y décide, il n’abuse jamais des momens de la chambre : il prononce à peine quelques phrases. Sa nonchalance est proverbiale et souvent compromettante ; il rachète ce défaut par un bon sens naturel qui n’est pas sans valeur. Au fond, si personne ne compte sur le concours de son activité, tout le monde l’estime. »

Tels sont les traits principaux de conversations qui souvent se prolongeaient très avant dans la nuit. Une figure se détachait parmi ces personnalités que mon aimable interlocuteur faisait passer devant moi : c’était José Estevao Coelho de Magalhaès. On le disait et il se proclamait lui-même progressiste historique. En réalité, il échappait à tout classement ; il était libéral et souffrait avec peine les compromis politiques ; il conserva toujours une grande indépendance de mouvement, prenant pour seul guide les intérêts de la liberté. C’était avant tout un homme de tribune, qui pendant vingt ans tint le pays sous le charme de sa puissante parole. Il mourut en novembre 1862 dans toute la force de son intelligence. Il était né en 1808 sur les bords de la mer, dans la petite ville d’Aveiro. Sa vie fut des mieux remplies. Député à vingt-huit ans, après avoir passé les premières années de sa jeunesse dans les camps, il devint avocat, professeur à l’école polytechnique, journaliste et lieutenant-colonel d’artillerie. On eût dit que sa nature bouillante se jouait au milieu de travaux si divers. Tout était permis à cet enfant gâté : l’adversaire qu’il avait vaincu à la tribune venait chercher une consolation dans le charme de sa causerie. Sa mort imprévue (il avait cinquante-quatre ans) fut un coup de foudre. Pour honorer la mémoire de cet éminent Portugais, dom Luiz Ier voulut être le parrain du dernier de ses enfans, né peu après sa mort. Sans doute il existe