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fruits que nous recevons sous le nom de dattes de Tunis. Les meilleures viennent de l’oasis de Touat, latitude 27° 15’, c’est-à-dire à 8 degrés au sud d’El-Kantara et au niveau de la mer.

D’après les observations et les calculs de M. Paul Mares, le caravansérail d’El-Kantara est encore à 517 mètres au-dessus de la Méditerranée. Il occupe l’extrémité d’un vaste plateau circonscrit par des montagnes tabulaires. Abandonnant la route ordinaire, nous passâmes aux eaux chaudes d’Hammam-Sid-el-Hadj, dont la température est de 41 degrés, et longeâmes le pied d’une montagne, le. Djebel-el-Mela, contenant des couches de sel exploitées par les Arabes. Pendant quelque temps, nous marchâmes au milieu des. tufs ou travertins déposés par des eaux minérales qui jadis coulaient comme celles d’Hammam ; elles ont tari en laissant ces traces irrécusables de leur existence. Nous entrâmes ensuite dans un terrain composé de marnes grises, bleues, jaunes, rouges, entremêlées de poudingues et de calcaires, raviné par les eaux qui descendent, à l’époque des pluies, de la montagne de sel. Les ravins, de 50 à 60 mètres de profondeur, étaient si rapprochés qu’il aurait fallu plusieurs jours pour gagner directement le pied de la montagne, distante de quelques kilomètres seulement, à travers ce dédale de coupures profondes séparées par des arêtes tranchantes. Ce sont des pluies d’hiver, tombant quelquefois à des années d’intervalle, qui produisent de pareils effets. Que les géologues qui veulent parler de l’action érosive des eaux pluviales laissent de côté les exemples mesquins qu’ils citent à l’appui de leurs démonstrations, qu’ils visitent l’Algérie et s’inspirent de la contrée ravinée du Djebel-el-Mela et des montagnes de la Kabylie : c’est là qu’ils verront comment la puissance érosive des eaux transforme sous nos yeux un plateau uni en un massif de montagnes aussi accidentées que celles qui sont dues au relèvement et à la rupture des couches.

La nuit nous surprit au milieu de ces ravins, mais nos mulets suivaient instinctivement la trace de ceux qui les avaient- précédés. Nous arrivâmes fort tard au bord de l’immense lit caillouteux de l’Oued-el-Kantara, qui prend ici le nom d’Oued-el-Outaïa, suivant la coutume des Arabes, qui donnent successivement à une même rivière les noms des localités qu’elle traverse. De l’autre côté, nous trouvâmes le caravansérail d’El-Outaïa, situé près d’une ancienne oasis dont les palmiers ont été coupés vers 1830, pendant les guerres civiles des Arabes. Grâce à la domination française, l’oasis renaît, et la fertile plaine d’El-Outaïa n’attend que la main de l’homme pour se couvrir des plus riches moissons. En grand industriel, M. Jean Dollfus, se propose d’y tenter sur une vaste échelle la culture du coton. La question de l’irrigation est la seule à résoudre, le ciel et