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Alger, et de là, par Bone et Guelma, nous arrivâmes à Constantine. Deux naturalistes qui ont bien mérité de l’Algérie, MM. Cosson et Coquande, m’avaient donné des lettres pour le général Desvaux, qui commande la province. S’intéressant à tout ce qui peut tourner à l’avantage de la colonie, favorisant toutes les études, secondant tous les efforts qui tendent à faire connaître la constitution physique du sol et ses produits naturels, convaincu que les recherches désintéressées de la science préparent et éclairent les conquêtes fécondes de l’agriculture et de l’industrie, le général Desvaux voulut bien nous engager à dépasser Biskra, à pénétrer dans le désert et à visiter le Souf : il fit plus, il nous donna pour guide le capitaine d’artillerie Zickel, directeur des forages artésiens du Sahara oriental, qui devait faire une tournée pour visiter les puits creusés dans le désert. Naturaliste lui-même, connaissant le pays et connu des populations, le capitaine appelait notre attention sur tous les faits, sur tous les phénomènes qui l’avaient frappé, et nous communiquait les résultats de ses observations antérieures. Nous formions ainsi une petite commission scientifique, cherchant, examinant, collectionnant et discutant. Quatre soldats français, dont trois zouaves, un spahi ou gendarme indigène, sept Arabes conduisant six chameaux qui portaient trois tentes avec nos provisions, enfin les mulets qui nous servaient de monture, complétaient notre caravane. Nous avons parcouru le désert pendant l’hiver de 1863, du 19 novembre au 14 décembre. À la monotonie d’un journal de’ voyage je substitue un tableau physique du Sahara, résultat de nos recherches communes, complétées par celles des voyageurs qui cous ont précédés, MM. Fournel, Dubocq, Ch. Laurent, Ville, Vatonne, Coquand, Tissot et Paul Mares, géologues, Cosson, Letourneux, Henon, Loche, Aucapitaine et Reboud, botanistes et zoologistes.

C’est à l’exploration d’un fond de mer mis à sec que le lecteur est convié. L’événement est récent géologiquement parlant, il remonte peut-être à cent mille ans seulement. Le nombre des années,on ne saurait le préciser ; mais l’événement a une date relative, il est postérieur au dépôt des terrains tertiaires. Quand il a eu lieu, la Méditerranée existait déjà, car l’on trouve dans le Sahara des coquilles ; de mollusques qui habitent encore sur ses bords : le sol est imprégné de sel marin ; il est formé de gypse ou sulfate de chaux qui se dépose probablement encore dans les mers actuelles, et de sables amenés par les rivières qui se versaient dans le golfe saharien ; maintenant ces rivières se perdent dans le désert, et leurs eaux disparaissent en s’infiltrant dans le sol. Des chotts ou lacs salés, dont le niveau est plus bas de quelques mètres que celui de la Méditerranée,