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à la caserne, il redevint musulman dans son palais, dont la cour était remplie de ses cliens. Cet agréable intermède divisa notre voyage en deux parties égales, consacrées la première à l’Oued-Rir, la seconde à l’Oued-Souf. Puisse-t-il avoir laissé dans la mémoire des officiers qui nous ont si bien accueillis d’aussi bons souvenirs que ceux que nous avons conservés du séjour de Tougourt !

Telle était notre vie dans le Sahara : un beau ciel, une température modérée, quelques pluies qui firent reverdir le désert, ajoutèrent encore aux charmes du voyage. Chaque jour, des spectacles grandioses s’offraient à notre vue. Tantôt c’était l’immensité d’un plateau sans limites, de larges vallées, de grands lacs, des dunes aux formes variées, une fertile oasis flanquée de villages entourés de fortifications pittoresques. La vue des montagnes lointaines ajoutait à ces aspects un charme inexprimable. S’élevant brusquement du bassin saharien, les derniers contre-forts de l’Atlas et de l’Aurès s’aperçoivent à des distances énormes. Le 7 décembre, étant encore à 40 kilomètres au sud du Chott-Melrir, nous revîmes leurs sommets poindre à l’horizon ; mais pendant notre absence la neige les avait blanchis, et ils se détachaient d’autant mieux sur l’azur du ciel africain ; c’était un souvenir des Alpes qui nous surprenait au milieu du désert. Une colonne expéditionnaire, envoyée dans le Souf, en revenait sous la conduite du général Desvaux ; les soldats s’écrièrent, en revoyant les montagnes, comme le matelot après une longue traversée : « Terre ! terre ! » Ce cri sortant de poitrines haletantes pendant de longues marches dans le sable est d’une profonde vérité. Les montagnes sont la terre, la limite du désert ; elles annoncent que les fatigues vont cesser, que la campagne est finie.

Le spectacle du ciel n’était pas moins intéressant que celui de la terre. Sur la mer et dans tout les pays plats où la coupole céleste s’arrondit au-dessus d’une surface unie sans relief et sans accidens, l’homme porte ses regards vers le ciel ; la vue des nuages, du soleil, de l’aurore, du crépuscule, des étoiles, remplace l’aspect des lointains de la terre, des rivières, des lacs, des collines et des montagnes. Chaque coucher de soleil était une fête pour nos yeux, un étonnement pour notre intelligence, surtout lorsque l’atmosphère n’était pas complètement sereine. Les colorations sont alors plus vives et plus variées. À mesure que l’astre s’approche de l’horizon, les nuages gris et échevelés de la voûte du ciel, derniers émissaires des brouillards du nord, se frangent de teintes pourpres de plus en plus intenses, tandis que les contours arrondis des nuages blancs reposant sur les cimes lointaines, se bordent d’un éclatant liséré jaune et semblent enchâssés dans l’or qui remplit le couchant. Dès que le soleil est descendu sous l’horizon, une teinte rose des plus