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« Le roi, ajoutait-il, vous a accordé, à commencer du 1er de ce mois, 500 livres par mois, et à deux hommes qui travailleront sous vous chacun 200 livres, et du fourrage pour vos chevaux dans toutes les places où vous serez obligé d’aller pour vous acquitter de vos emplois. J’écris à M. Charuel d’exécuter en cela l’intention de sa majesté, et en mon particulier j’aurai soin de retirer tous les mois, du premier valet de chambre, la pension de 2,400 livres par an que le roi vous donne. »

Quelques points de détail avaient été réservés par Louis XIV : c’était pour M. de Clerville une dernière et misérable chance à laquelle il se rattachait en désespéré. De son côté, l’ingénieur de Tournai avait envoyé à la cour un mémoire où le projet de Vauban était l’objet de remarques désobligeantes. Rien n’y fit. « Sa majesté désire que le plan du sieur de Vauban s’exécute de point en point, écrivait le 20 novembre Louvois à Charuel ; mettez-lui bien dans l’esprit qu’il faut que cet ouvrage soit son chef-d’œuvre, et que, comme l’on se confie à lui de cet ouvrage, que l’on ôte pour cet effet aux gens qui étoient en possession de les faire faire partout, je veux dire au chevalier de Clerville, le moindre manquement qui y arrivera ne manquerait pas d’être bien relevé ici, et de confirmer les gens, qui ne veulent pas que Vauban travaille, à croire ou à persuader aux autres qu’il n’entend que les sièges. »

M. de Clerville ne se tint pas encore pour absolument battu : il s’entêta, il chicana, il proposa un changement de situation. L’ingénieur de Tournai fit de même et rédigea un nouveau mémoire. Tout cela fut renvoyé au marquis d’Humières et remis à sa discrétion, autant dire à celle de Vauban, car il y avait entre eux une entente parfaite. M. d’Humières ne fut pas en peine de répondre que toute la chicane du chevalier de Clerville se réduisait à une différence à peine sensible sur le terrain. « Pour ce qui est des raisons de l’ingénieur de Tournai, ajoutait-il, elles ne valent pas la peine d’y répondre. Il a été ici huit jours, et je ne l’ai pas voulu écouter depuis qu’il me proposa de raser les trois plus beaux bastions de la ville pour mal placer la citadelle. » Cependant Vauban ne laissait pas 4’être inquiet : l’obstination du chevalier de Clerville, qui se rejetait de Louvois sur le marquis d’Humières, lui faisait redouter quelque intrigue souterraine et, même après le dénoûment, quelque épilogue désagréable. « Cela l’embrouille et l’embarrasse, mandait Charuel à Louvois, dans l’opinion que, les pensées du chevalier de Clerville ne vous étant pas inconnues, la cour peut être en doute de la situation de la citadelle. » Louvois commençait à s’irriter d’avoir toujours à revenir sur une affaire faite. « J’écris à M. le marquis d’Humières pour la dernière fois, disait-il à Charuel le 14 décembre ;