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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 juillet 1864.

Un journal étranger a prétendu que l’empereur aurait pris congé de M. Drouyn de Lhuys à Vichy par ces mots : inertia sapientia. Si les circonstances invitaient à une douce gaîté, si, comme les personnages d’Hernani qui s’abordent dans la scène du tombeau de Charlemagne par le jeu de mots ad augusta per angusta, on pouvait trouver opportun de mettre la politique en devises latines, un courtisan qui n’aurait point oublié ses vêpres serait prompt à la réplique, et dirait avec un profond salut, en latin de la Vulgate : initium sapientiœ timor Domini ; mais nous ferons à l’empereur un compliment plus viril et plus digne de lui : nous nous refusons à croire qu’il ait prononcé les paroles que l’indiscrète cervelle d’un nouvelliste s’est avisée de lui attribuer.

Non, la sagesse ne saurait aujourd’hui résider dans l’inertie. Sans doute, quand une anxiété vive et prolongée a été entretenue dans l’opinion publique, si une solution quelconque, même mauvaise, finit l’affaire qui avait causé l’inquiétude générale, les esprits, comme vaincus par la lassitude, tombent dans un affaissement qui ressemble au repos. C’est ce qui arrive aujourd’hui pour la crise du Danemark. On est resté en suspens tant qu’a duré la conférence de Londres et tant qu’on n’a pas su si l’Angleterre prendrait carrément le parti d’abandonner le Danemark. Maintenant que le Danemark est décidément sacrifié et que le fantôme d’une guerre européenne s’est évanoui dans l’aube d’une nuit d’été, il est naturel que le public se repose et s’endorme. C’est surtout l’Angleterre qui a l’air de savourer avec délices ces premiers momens de sécurité succédant à l’inquiétude. En fait d’exercice guerrier, les gaîtés du tir de Wimbledon ont remplacé pour elle la perspective d’une campagne sur l’Eider. La Cité, heureuse de posséder enfin la paix certaine, s’abandonne de plus belle à la manie des créations de sociétés par actions. Quelques vieux lords de