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parlent celle de la côte. Ils ne diffèrent de leurs compatriotes que par une plus grande connaissance du monde, plus de savoir-faire, plus de ruse et quelquefois plus de corruption. Le capitaine prit à son service quatre-vingt-onze hommes de cette catégorie, savoir soixante-neuf a Zanzibar et vingt-deux dans d’autres localités. Ils reçurent le jour de leur engagement une année de leurs gages, et devaient en recevoir autant à l’expiration du voyage. Ces engagés, avec le peloton de Hottentots et un chef arabe, formaient un personnel de cent huit individus[1]. Outre ces wanguana, il avait loué une compagnie de cent et un pagazis ou portefaix qui ne devaient le servir que jusqu’à Kaseh. Les marchandises qu’il emportait en tout genre, mais surtout en cotonnades, habillemens, bijouterie en cuivre, horlogerie, verroterie, etc., formaient cent cinquante-six ballots, qu’il divisa en deux parties, sans compter, les armes, les munitions, les instrumens de physique, les vêtemens, le linge, les tentes, les provisions. On ne doit donc pas s’étonner du nombre des hommes engagés. Il lui en aurait fallu bien davantage, s’il n’avait pas chargé un marchand arabe de lui transporter près de la moitié de ses ballots jusqu’à Kaseh.


II

C’est le 2 octobre 1860 que le capitaine Speke se mettait en route à la tête de sa caravane, dont l’aspect était tout à la fois original et imposant. La marche s’ouvrait par un conducteur porte-drapeau, avec sa charge sur le dos. Il était suivi des pagazis armés de leur arc et de leurs flèches, et portant leurs fardeaux fixés aux deux extrémités d’un levier placé sur leurs épaules. Puis venaient les wanguana, la carabine en main, et chargés de différens objets de campement. Ceux-ci précédaient les fusiliers hottentots, conduisant douze mulets sur lesquels on avait mis les caisses de munition. Le capitaine et son ami, avec une compagnie que le sultan de Zanzibar leur avait donnée pour leur servir d’escorte jusqu’à la frontière occidentale de l’Uzaramo, fermaient la marche. Quelques femmes, vingt-deux chèvres, trois ânes et les écloppés composaient l’arrière-garde.

  1. Ce que devint cette troupe de cent huit hommes, il faut le dire tout de suite. Ils avaient juré une fidélité inviolable au capitaine Speke, s’engageant à le suivre partout où il irait, à lui être soumis en toutes choses. Eh bien ! cinquante-huit l’abandonnèrent dès le lendemain même du départ de l’expédition, et les autres dans le cours du voyage. Ces derniers lui emportèrent vingt-quatre fusils, ainsi que la presque totalité des objets qui leur avaient été confiés ; quinze furent renvoyés, huit furent relevés de leur engagement, quatre laissés en différens endroits pour cause de maladie, trois moururent en route, deux furent assassinés, et dix-huit seulement arrivèrent avec le capitaine Speke en Égypte.