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du Nil, il en conclut que « la tête » de ce fleuve se trouve à l’extra mité sud du lac, à cet angle aigu que les rives de l’est et de l’ouest forment en convergeant l’une vers l’autre. Cet angle est situé sous le troisième degré de latitude sud. Les eaux du Nil parcourent donc une étendue de trente-quatre degrés, un peu plus de la onzième partie de la circonférence du globe.

Le capitaine aurait voulu faire une excursion dans la baie et sur le lac ; mais un officier qui avait été chargé par l’amiral de l’accompagner, pour le protéger contre la malveillance des autorités locales et lui faire obtenir les embarcations dont il aurait besoin, s’y opposa formellement, attendu qu’aucun ordre ne l’autorisait à fournir des bateaux dans ces parages. Ce fut bien malgré lui qu’il dut quitter ces lieux enchanteurs, dont il aurait désiré faire, au moins pour une semaine ou deux, un centre d’exploration. Il revint sur ses pas, rentra à Urondogani et se hâta de réclamer les embarcations qu’on aurait dû mettre à sa disposition dès le premier jour de son arrivée. Le chef du district lui en amena cinq, dont les ais mal joints étaient calfatés avec des loques de mbougou. Il s’y embarqua néanmoins avec une partie de ses gens et quelques provisions. Comme il avait reçu à plusieurs reprises l’assurance que Kamrasi, le roi de l’Unyoro, le recevrait avec plaisir et qu’il pouvait compter sur sa protection, le capitaine croyait n’avoir plus qu’à descendre le fleuve jusqu’à sa résidence, y rester un jour ou deux, puis reprendre son voyage nautique jusqu’aux confins de ses états, où il comptait trouver les vaisseaux de Petherick, ou tout au moins quelques-uns de ses agens chargés de l’escorter jusqu’à Gondokoro. Le Nil en aval d’Urondogani présentait une surface aussi unie qu’un miroir et lui promettait une navigation telle qu’un explorateur qui doit faire le décalque du pays qu’il visite peut la désirer. Elle fut très paisible aussi longtemps qu’il se trouva dans les eaux de l’Uganda ; mais on était à peine entré dans celles de l’Unyoro qu’on se vit entouré d’une multitude de canots montés par des hommes armés et dont l’attitude était menaçante. Speke aurait voulu passer au milieu d’eux sans répondre à leurs menaces, quand il s’aperçut à leurs manœuvres qu’ils avaient l’intention de lui barrer le passage et de l’attaquer. Pour ne pas tomber sous leurs coups, il fut obligé, bien à contrecœur, de faire usage de ses armes, et par une décharge il tua un homme, en blessa un autre et dispersa les canots. Cette facile victoire équivalait à une défaite. Le capitaine comprit que la route du Nil lui était fermée, il ordonna à ses gens de virer de bord et de remonter le fleuve jusqu’à ce qu’ils fussent rentrés dans les eaux de l’Uganda. Il débarqua et résolut de pénétrer dans l’Unyoro par la voie de terre. Il venait de repasser le Luajarri, lorsqu’il rencontra, à son extrême surprise, son ami Grant, qu’il croyait arrivé depuis