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REVUE. — CHRONIQUE.

esprits en mouvement en les conduisant par des moyens pratiques au but qu’il poursuivait. Dénué de moyens d’action sur les esprits, le gouvernement italien ne pouvait les défendre et se défendre lui-même contre le malaise et les inquiétudes d’une situation incertaine. Il était obligé, par l’état de l’Europe et par la condition même de l’œuvre si récente de l’unité italienne, de faire des dépenses exorbitantes et d’entretenir une armée beaucoup trop lourde pour ses ressources. Il ressemblait à un navire qui se mettrait en panne dans une mer tourmentée. La position n’était pas tenable. Elle devenait plus périlleuse après les événemens européens de cette année. Quand le gouvernement italien a vu le rapprochement qui s’est accompli entre l’Autriche, la Prusse et la Russie, quand il a vu la politique réactionnaire reprendre avec succès dans le nord de l’Europe son œuvre militante, il a dû sentir combien devenait pressant le péril de cet état d’isolement et d’immobilité où il était retenu. Si en ce moment le gouvernement italien n’avait point recherché et obtenu le concours hautement avoué de la France, si l’alliance franco-italienne ne s’était pas rajeunie par un acte éclatant et retentissant, l’Italie, en proie à un triste marasme, eût été exposée aux plus funestes accidens.

Cette pénible et bizarre paralysie de l’Italie cesse enfin par la convention du 15 septembre. Cette délicatesse, ce nuage, ce je ne sais quoi qui s’élevait vaguement entre la France et l’Italie, et qui suffisait pour frapper le nouveau royaume d’une funeste langueur, s’efface et disparaît. La France et l’Italie rentrent dans leurs relations naturelles. L’arrangement qu’elles viennent de conclure à la face du monde est de ceux qui révèlent une confiance mutuelle, une entière sympathie, une complète communauté d’action. Des pactes de ce genre ont des sous-entendus compris de tous. Le sous-entendu nécessaire de celui-ci est la garantie du concours de la France donné à l’Italie actuelle contre toute agression extérieure qui pourrait mettre son existence en péril. Ainsi, en face des vicissitudes que pourrait entraîner l’état instable de l’Europe, il est bien entendu maintenant que l’Italie n’est plus seule. Si l’Autriche, en se repliant vers les puissances du Nord, a trouvé des alliés, l’Italie, elle aussi, cesse d’être isolée, et s’appuie ostensiblement à la France. Ces anciennes réserves plus ou moins fondées sur le traité de Zurich que nous avions cru devoir maintenir, et qui de notre part exprimaient une sorte de doute fâcheux touchant l’avenir de l’unité italienne, ces réserves sont retirées : la France témoigne résolument de sa foi dans le succès de l’œuvre accomplie par l’Italie. C’est là un acte dont on ne saurait évaluer trop haut l’importance au point de vue italien. Cet acte doit rendre à l’Italie sa pleine liberté d’action intérieure ; il la fait sortir d’une position indécise et par conséquent révolutionnaire ; il lui donne la sécurité d’un ample lendemain, il lui apporte ce que Machiavel appelait le bénéfice du temps. En lui fournissant la caution de la France, il lui permet d’ajourner, sans blessure pour l’orgueil national, les entreprises par lesquelles doit s’achever l’unité. Le concours moral de la France, ob-