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REVUE. — CHRONIQUE.

séjour d’un gouvernement et d’une cour. Elles avaient donné les premières à Turin un exemple que Turin avait promis de suivre le jour où parlerait l’intérêt national. L’intérêt national ne devait-il parler que lorsque Rome serait devenue la capitale effective de l’Italie ? Il y avait évidemment d’autres cas où l’intérêt national pouvait exiger le déplacement de la capitale. Par exemple, toutes les fois qu’on a dû prévoir une nouvelle lutte contre l’Autriche, on a été obligé de s’avouer que Turin ne pouvait être la capitale stratégique de l’Italie, et qu’il n’était pas possible d’abandonner au hasard d’une bataille la tête politique de l’indépendance italienne. C’est cette préoccupation, confirmée par toutes les autorités militaires, rendue plus pressante cette année par la force d’intimidation que l’Autriche venait de puiser dans de nouvelles alliances, qui a décidé le gouvernement à transférer la capitale à Florence. La nécessité de cette translation au point de vue de l’intérêt national serait-elle devenue moins pressante parce que le dernier ministère a trouvé l’occasion de faire servir le changement de capitale aux deux fins essentielles de la politique italienne, au progrès de la question romaine aussi bien qu’à la défense du pays contre l’Autriche ?

À y regarder de près, en effet, il ne paraît guère raisonnable de porter comme un sacrifice au compte de l’Italie la patience que la convention du 15 septembre lui demande à l’endroit de Rome. En réalité, il n’y a point là de sacrifice, puisque l’Italie ne possédait point Rome, et qu’il ne lui était point possible, avant la convention, de prévoir par quelle voie directe ou indirecte elle s’approprierait cette capitale idéale. L’idée de Rome capitale, nous l’avons toujours reconnu, a été un grand soutien pour le patriotisme italien et un moyen puissant d’unification au moment des annexions ; mais cette idée, comme toutes les aspirations spéculatives, lorsqu’elles sont dépourvues de moyens de réalisation d’une efficacité apparente et saisissable, devait perdre avec le temps une grande partie de sa force. Comment l’Italie pouvait-elle arriver à Rome avant la convention du 15 septembre ? Il était impossible de le dire : il fallait compter sur un accident invraisemblable, sur un ébranlement universel, sur l’inconnu, sur le miracle. Les hommes d’état qui dirigent l’opinion italienne avaient eu recours à une formule honorable, mais qui n’était qu’un palliatif de leur impuissance : ils disaient que la question romaine ne devait être résolue que par les moyens moraux et par un commun accord entre l’Italie et la France. Bien loin d’imposer à l’Italie aucun sacrifice effectif et réel à l’endroit de Rome, la dernière convention ouvre la voie aux moyens moraux et établit la base d’un accord entre la politique italienne et la politique française. Or cette base n’est autre chose que le double principe invoqué ou reconnu par les Italiens : d’une part le principe de non-intervention enfin appliqué à Rome par la France, de l’autre la renonciation expresse par l’Italie à l’emploi des moyens matériels contre le temporel de la papauté. En acceptant les dispositions de la convention relatives à Rome, les Italiens ne font donc pas plus un sacrifice moral qu’un sacrifice matériel. Ils obtiennent de la