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France l’application du principe de non-intervention aux affaires de Rome. Or quelle a été la cause profonde de l’antagonisme de l’Italie contre le pouvoir temporel ? C’est justement que ce pouvoir n’a pu et ne peut subsister qu’en s’appuyant sur l’intervention extérieure, qu’en introduisant sans cesse l’étranger dans la patrie italienne. L’idée de Rome capitale était surtout une protestation contre cette intervention étrangère qui paraissait inséparable de la papauté de Rome. Si la France s’interdit à elle-même la faculté d’intervenir dans les affaires romaines, il va de soi qu’elle n’accordera une telle faculté à aucune autre puissance. L’idée de Rome capitale est donc plus qu’à moitié réalisée par ce seul fait que la France assigne à son intervention un terme prochain. Les Italiens se sont toujours montrés convaincus que le pouvoir temporel, privé du concours de l’étranger, est incapable de subsister par lui-même ; ils ont toujours prétendu qu’ils sauraient bien s’arranger avec la papauté, s’ils étaient laissés en tête-à-tête avec elle. Au lieu de leur imposer une condition gênante, on ne fait donc que répondre à leurs propres vœux lorsqu’on leur demande d’assister paisiblement, sans la troubler par aucune violence matérielle, à l’expérience du pouvoir temporel essayant de vivre par lui-même sans l’appui d’une force étrangère. On leur ouvre ainsi l’accès à ces moyens moraux qui, suivant leurs déclarations réitérées, doivent être seuls employés dans la question romaine. Ils abordent même cette expérience avec la chance que la papauté l’entreprendra dans les conditions les plus défavorables, si elle ne consent point que l’Italie prenne à sa charge le service de la dette afférente aux provinces annexées, et si elle se prive ainsi des ressources qui lui permettraient d’entretenir une force armée suffisante.

Ainsi envisagée au point de vue italien, la convention du 15 septembre est un grand acte, un acte par lequel l’Italie sort des énervantes perplexités d’une situation intolérable, et accomplit un progrès immense dans l’œuvre de sa reconstitution définitive. Les hommes d’état qui ont pris part à cette importante transaction, les membres dirigeans de l’ancien ministère, MM. Minghetti et Peruzzi, les plénipotentiaires, M. Pepoli et M. Nigra, qui ont suivi à Paris la négociation, et, par les qualités éminentes de leur esprit et de leur caractère, en ont habilement ménagé le succès, ont droit à la sérieuse reconnaissance de leurs compatriotes. Nous sommes sûrs que le parlement italien, éclairé par une discussion grave et élevée, applaudira à cette victoire diplomatique de l’Italie. Les députés italiens doivent avoir à cœur de conserver à cette victoire tout son éclat et toute son efficacité morale. Il faut pour cela qu’ils acceptent la convention tout entière, qu’ils évitent d’en atténuer la portée par des affirmations oiseuses et puériles qui voudraient réitérer le vote de Rome capitale, ou par la manifestation de jalousies locales et de coalitions municipales contre le choix de la capitale nouvelle fait par le gouvernement. Que les députés italiens, nous le répétons, n’oublient pas qu’ils vont avoir sur eux les re-