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était temps que la France prononçât, elle aussi, son non possumus : après la leçon que lui ont donnée quinze ans de tracasseries, nous avons la conviction qu’elle ne reviendra plus sur cette déclaration libératrice.

L’événement qui est en train de s’accomplir a pour l’Italie, pour Rome, pour la France, une gravité sur laquelle nous ne fermons point les yeux ; bien que le sentiment général qu’il a d’abord excité dans le monde européen et dans le monde catholique soit celui d’une attente froide, curieuse, et n’ait rien encore de tumultueux, il est difficile d’espérer que l’expérience proposée se puisse essayer sans entraîner des complications ; on éprouve néanmoins pour le moment une sorte de soulagement d’esprit à savoir enfin où l’on va. Devant l’attente excitée par les discussions du parlement italien, tous les autres incidens de la politique courante pâlissent. La paix du Danemark et de l’Allemagne va enfin être conclue ; mais, les puissances allemandes n’ayant point su être modérées, il n’est pas probable que le nouveau traité produise un apaisement définitif. On donne aux Danois des griefs trop légitimes pour que la difficulté du Slesvig puisse être considérée comme ne devant plus jamais renaître. L’Autriche a au moins le mérite de profiter de la paix du Danemark pour opérer dans son armée des réductions vraiment importantes qui assurent un soulagement positif à ses finances délabrées. Elle donne là un utile exemple à l’Italie. Un désarmement sérieux opéré simultanément par l’Autriche et par l’Italie, outre qu’il donnerait un gage efficace aux intérêts pacifiques, produirait bientôt une amélioration sensible dans la situation financière de l’Europe. Le public de l’industrie et du commerce ne se rend pas suffisamment compte du tort que lui font en ce moment les dépenses exagérées des gouvernemens. Les gouvernemens ne se contentent point des immenses prélèvemens qu’ils opèrent sur les revenus annuels de leurs pays par l’impôt : ils attirent à eux par les emprunts la portion la plus considérable de l’épargne ; ils absorbent par leurs moyens de trésorerie une portion notable des capitaux flottans qui dans l’ordre naturel des choses devraient étendre le champ du crédit pour les opérations commerciales. Ce n’est pas tout encore : dans ces derniers temps, on a vu des gouvernemens obérés, ayant épuisé les ressources de l’impôt, de l’emprunt, des dettes flottantes, avoir recours aux banquiers, lesquels leur viennent en aide au moyen de vastes circulations qui viennent peser en définitive sur les portefeuilles et les encaisses des banques. Les gouvernemens qui se ruinent sous nos yeux et qui font des appels désespérés au crédit sous toutes ses formes sont, suivant nous, les auteurs principaux de la crise financière que traverse l’Europe. C’est à eux surtout, à la hausse de l’intérêt qu’ils produisent par la concurrence incessante de leurs demandes, qu’il faut attribuer les difficultés éprouvées en ce moment par les banques d’état. Ces banques sont obligées de défendre leurs ressources, qui doivent aider surtout au roulement des opérations commerciales, par le renchérissement du crédit. La crise actuelle n’est point dans son origine une crise monétaire qui serait