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REVUE. — CHRONIQUE.

déterminée par la nécessité de payer en numéraire une balance d’importations ; elle est une crise de capital déterminée par l’absorption excessive de capitaux qu’ont faite les gouvernemens, les sociétés spéculatrices de crédit, et des entreprises industrielles qui immobilisent à la fois une trop grande quantité de fonds qui devraient rester à l’état de fonds de roulement. C’est parce que la crise actuelle est surtout une crise de capitaux qu’on la voit se prolonger indéfiniment et résister à l’énergique traitement de la hausse de l’escompte. Cette difficulté de la cherté du crédit, qui pour plusieurs pays de l’Europe peut devenir un véritable péril politique, a, on le voit, son origine dans la politique elle-même.

La guerre civile des États-Unis occupe une grande place parmi les causes du malaise financier dont soufifre l’Europe. Cette guerre n’a pas seulement soumis l’industrie cotonnière à des perturbations profondes et à d’effrayantes variations de prix ; elle a détourné de l’Europe une masse considérable de capitaux attirés vers les emprunts fédéraux par l’appât d’un énorme intérêt. C’est en Hollande et surtout en Allemagne que les emprunts fédéraux ont trouvé une clientèle nombreuse et avide. L’Amérique a fait sentir ainsi à notre vieux monde sous toutes les formes la solidarité qui nous unit à elle. Cette dépendance économique dans laquelle les grands peuples producteurs sont placés les uns vis-à-vis des autres est un des motifs qui auraient dû empêcher en Europe tous les espris intelligens de soutenir et de prolonger par une approbation irréfléchie la guerre insensée et désespérée entreprise contre l’Union par les états révoltés du sud. On dirait qu’enfin cette lutte approche du denoûment fatal qui lui était marqué dès le principe. Là aussi il faut que les lois invincibles de la civilisation s’accomplissent, et qu’une cause rétrograde, celle du socialisme esclavagiste, succombe sous la cause du libre travail. L’immense campagne dirigée par le général Grant produit à travers l’immense étendue de territoire où elle s’exécute les résultats que s’était promis l’opiniâtre général. Après les succès de Sherman et de Farragut en Géorgie sont venus ceux de Sheridan dans la vallée de la Shenandoah, où depuis Stonewall Jackson les confédérés étaient accoutumés à ne rencontrer que des victoires. Sheridan a battu et désorganisé l’armée confédérée en la refoulant avec une vigoureuse promptitude dans toute la longueur de la vallée. Sheridan s’approche de Lynchburg, point de croisement des derniers chemins de fer qui ravitaillent Petersburg et Richmond. Grant poursuit ainsi sa guerre par les chemins de fer, et il semble devoir bientôt enserrer les confédérés dans Richmond. L’épuisement des sécessionistes est manifeste ; les plaintes amères des journaux de Richmond le révèlent. Ces journaux avouent avec indignation que les populations de la Shenandoah, favorables cependant à la sécession, refusaient le papier confédéré, et ne consentaient à livrer des vivres à l’armée d’Early que contre le papier de l’Union. Ils reconnaissaient que dans plusieurs états de la confédération on parle de faire avec