Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/114

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’amiral Blake et sir George Ayscue. Sur le rivage de l’île de Tresco s’élève une sombre tour qui porte encore le nom de Château de Cromwell (Cromwell’s Castle), et presque en face de cette tour se dresse un rocher appelé l’Île-du-Bourreau (Hangman’s Isle), parce que, selon la tradition, quelques soldats mutins furent pendus dans cet endroit-là par les troupes républicaines. Les îles Scilly appartenaient anciennement à la couronne : elles ont passé, on ne sait trop comment, dans le duché de Cornouaille ; mais depuis le règne d’Élisabeth elles ont été louées à des particuliers pour un temps limité. Le tenancier (lessee) gouverneur de ces îles est aujourd’hui M. Augustus Smith, qui habite Tresco Island, située presque en face de Saint-Mary’s. Le manoir de M. Smith consiste en un groupe de bâtimens modernes jetés d’une manière très pittoresque sur le front d’un rocher. Qui s’attendrait à trouver au pied de ces falaises arides deux lacs d’eau douce, s’étendant au milieu des riches cultures d’une délicieuse vallée ? M. Smith a planté des jardins sur les ruines d’une ancienne abbaye fondée dans le xe siècle, et les plantes grimpantes qui ont envahi les piliers, les arceaux, les ogives, recouvrent sans les masquer toutes les lignes délicates de l’architecture. Les fleurs les plus rares s’élancent avec profusion de la surface rugueuse des roches granitiques. Des bosquets de géraniums s’élèvent de plusieurs mètres au-dessus de la tête des promeneurs. Toutes les richesses de la végétation exotique se déploient pompeusement en plein air. Malgré les vents, le climat de ces îles est très doux, et dans les endroits abrités les plantes des pays chauds réussissent à merveille. Le propriétaire du manoir eut, il y a quelques années, l’idée d’acclimater à Tresco les autruches. Il commença par quatre de ces oiseaux, qui depuis lors ont crû et multiplié. M. Augustus Smith est une sorte de vice-roi dont l’autorité, tant soit peu dictatoriale, s’étend, sur tout le groupe des îles Scilly. Cinq d’entre elles seulement, — Saint-Mary’s, Tresco, Saint-Martin’s, Sainte-Agnes et Bryher, — sont habitées. Les autres, au nombre d’environ cent quarante, ne sont guère que des îlots recouverts d’un maigre gazon et fréquentés par les oiseaux de mer. Sainte-Agnes possède une église, une ou deux boutiques et un beau phare. Une des îles aujourd’hui inhabitées, Simson, avait encore dernièrement trois maisons et trois familles ; mais les parens moururent, et les enfans, plus ambitieux, ont déserté l’humble terre natale. L’île de Saint-Helen, où l’on trouve pourtant les ruines d’une église, n’est plus occupée que par un troupeau de daims et par quelques chèvres redevenues sauvages. Quand un étranger visite leur domaine, ces animaux le guettent d’un regard inquiet et gagnent la pointe des rochers ; ils ne reprennent un air d’assurance que quand ils voient l’importun