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Le gaz, la lumière galvanique ou électrique ont été aussi essayés avec plus ou moins de succès. La vérité est que l’éclairage des mers se trouve en Angleterre, comme partout ailleurs, dans un état de transition. Trinity House s’est assuré les services d’un savant, le professeur Faraday, pour la guider dans la voie des découvertes modernes.

Une autre circonstance a frappé les membres de la commission : c’est l’absence d’unité dans le système. Sur les 357 phares que possède le Royaume-Uni, 197 appartiennent aux trois grandes sociétés de l’Angleterre, de l’Écosse et de l’Irlande, et 160 à des autorités locales. Qui s’attendrait à ce qu’une parfaite harmonie pût sortir d’une telle division des pouvoirs ? En France, on le sait, les choses se passent tout autrement. Les phares s’allument et s’éteignent au même moment de la journée comme gouvernés par le souffle d’une organisation centrale. Le volume de la lumière, la quantité d’huile qu’on doit brûler en une heure pour alimenter la flamme, tout, jusqu’aux moindres détails, est réglé avec une précision militaire. On dirait que tous les ressorts du système fonctionnent sous une seule main. Ce fiat lux de l’autorité paraît avoir séduit un instant les membres de la commission britannique. Ils auraient voulu qu’un tel ordre s’introduisît de l’autre côté du détroit. Leurs conseils ont pourtant trouvé jusqu’ici très peu d’écho chez un peuple trop jaloux de ses droits pour ne pas se réserver le soin d’administrer ses affaires. La liberté se trompe quelquefois, elle est fille de l’humanité ; mais elle peut toujours corriger et redresser ses erreurs, tandis qu’une fois perdue, comment la reconquérir ? Les Anglais ont d’ailleurs lieu d’être fiers de ce qu’ils ont fait de génération en génération pour éclairer leurs côtes. Sans rien demander à leur gouvernement, ils ont construit dans les endroits les plus sauvages de glorieux édifices, véritables temples des mers, qui leur coûtent chacun de 75,000 francs à 2 millions. Tous les jours de l’année, au coucher du soleil, ils élèvent comme par autant de bras libres et invisibles 404 flambeaux, en y comprenant les phares et les vaisseaux couronnés d’un fanal, qui dénoncent aux marins les embûches de l’Océan, et qui réunissent les voiles venues des quatre points du globe sous cette lumière, radieux symbole de la paix et de la fraternité des nations.

Alphonse Esquiros.