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discutée, la réglementation universelle, la perpétuité invariable des lois et des formes, la prétention à l’immobilité et à l’infaillibilité, — on ne saurait espérer que ce qui serait faux et dangereux dans toute la sphère de la société humaine fût excellent et parfait sur un seul point, et qu’il fallût faire à ce qu’on appelle avec plus ou moins de propriété la puissance spirituelle un mérite admirable de contenir ce qui compromettrait et déparerait tout autre pouvoir sur la terre. Tout absolutisme déposé dans les mains des hommes est usurpation.

Il se peut que les formes de la constitution de l’église fussent nécessaires ; la partie politique de la religion peut en être inséparable. Je n’examine point cela, je dis seulement que tout ce qui est constitution et politique est nécessairement imparfait et corruptible en soi comme toute chose humaine, et qu’en particulier l’organisation catholique, recelant, nécessairement peut-être, des principes d’absolutisme, n’a pu échapper à toutes les mauvaises conséquences de ces principes. Des maux et des fautes sont devenus inévitables, et la sévérité de l’histoire n’a pas toujours été sans motifs. Les défenseurs de l’église livrent quelquefois ses ministres pour sauver son institution. Sans doute les prêtres sont des hommes, et ne sont pas tous des saints ; mais beaucoup ont été des saints, et la plupart ont été parmi les hommes au nombre des meilleurs. Le mal est venu plutôt des doctrines et des institutions.

Celles-ci sont connues. Nul besoin de décrire l’église dans les diverses situations que comporte l’unité dont elle se glorifie. Elle tend en général aujourd’hui à partout établir, sous la souveraineté d’un pape infaillible, l’uniformité romaine sans autre diversité au milieu de tant de nationalités particulières que celle des concordats, qui généralement admettent un certain appui et un certain concours de la part du gouvernement politique. C’est ainsi que l’on conçoit aujourd’hui la distinction et l’union des deux puissances, lesquelles composent un ensemble d’influence et d’action limitatif de la liberté des individus. Cette organisation, régularisée et tempérée par les mœurs et les lumières, est aujourd’hui un fait presque universel, et rien ne prouve qu’il doive être de si tôt modifié.

La voix de toutes les communions chrétiennes proclame cependant comme l’âge d’or de la religion l’âge de la primitive église. C’est elle que l’on cite perpétuellement comme un modèle de perfection à toute la chrétienté. Cette unanime opinion tendrait à prouver que l’église n’a jamais été plus pure ni plus digne qu’alors qu’elle existait à l’état d’opposition et non de pouvoir. Il est vrai que lorsqu’on objectait à saint Augustin que les apôtres n’avaient réclamé aucune protection terrestre, il répondait dans sa lettre à Vincentius qu’ils ne le pouvaient faire, attendu que de leur temps