Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/149

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui un clergé considérable par le nombre, les richesses, les lumières, et qui, malgré une constitution remplie d’abus, pouvait, sans subir une réformation radicale et difficile, trouver sa place dans le nouvel ordre de choses, comme le montrèrent d’abord ses plus habiles chefs et la majorité des simples pasteurs. Malheureusement, et en dépit de l’esprit même du christianisme, le corps ecclésiastique était composé comme la société civile. L’épiscopat presque tout entier appartenait à l’aristocratie, et le reste de la corporation presque tout entier au tiers-état. Ainsi le privilège trouvait encore de fervens défenseurs là où il aurait dû être inconnu, et, bientôt menacé par une passion téméraire d’innovation, l’esprit de corps rangea du côté du privilège une partie considérable de la bourgeoisie cléricale. Les prêtres furent confondus avec les nobles dans les défiances de l’opinion. Ainsi, au lieu de persister dans la première pensée, dans la pensée libérale de laisser l’église à elle-même, on vit en elle une ennemie, et l’on ne songea qu’à s’en défendre. Or de la part d’une révolution se défendre, c’est attaquer. Mirabeau lui-même cédait à la tentation de mettre, au moins pour un temps, l’église sous la main de l’état. On s’habitua à la regarder comme un corps à réformer. Les réformateurs se présentèrent aussitôt. Le passé avait laissé dans le clergé d’anciens fermens de division, des ressentimens fondés, des dissidences sincères et profondes. Depuis les dernières années de Louis XIV, l’esprit gallican avait subi un triste déclin. Suspecté, opprimé, persécuté, il s’était sourdement nourri de doctrines et de souvenirs qui le rattachaient chaque jour plus étroitement à ce qu’il regardait comme les principes et les coutumes de la primitive église, et il s’était forgé un modèle de constitution ecclésiastique qui unissait pour lui le prestige de l’antiquité et l’attrait de la nouveauté. Dès que l’on parla de réforme, il offrit la sienne, et, par une singulière inconséquence, c’est à l’esprit de secte, c’est au jansénisme depuis longtemps abattu que l’assemblée constituante abandonna le soin de refaire l’église ; des philosophes du XVIIIe siècle acceptèrent de la main des derniers disciples de Quesnel une restauration vraie ou prétendue de l’église apostolique.

Lorsqu’on lit aujourd’hui la constitution civile du clergé, on n’y trouve que l’essai d’un mélange d’épiscopat et de presbytérianisme qui n’a rien de monstrueux, et qui, là où il serait accepté, pourrait réussir comme autre chose et satisfaire un peuple religieux ; mais il ne pouvait être accepté. D’abord c’était une organisation imposée à la majorité du clergé par la minorité ; c’était la consécration de maximes longtemps contestées et condamnées par ceux-là mêmes qu’on voulait y soumettre. C’était une dérogation ouverte aux règles