Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/150

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et aux usages des derniers siècles infligée à un corps qui vit de traditions. C’était la violation déclarée des principes et des prétentions du pouvoir papal, décrétée sans qu’on eût seulement pris la peine de le consulter. C’était enfin une église révolutionnaire instituée en présence et au détriment d’une ancienne église qu’on achevait de rendre aussi contre-révolutionnaire ; mais surtout aux yeux des amis éclairés de la liberté, de ceux d’alors comme de ceux d’aujourd’hui, de ceux qui, tels que M. de Pressensé, règlent leurs opinions libérales sur leur conscience chrétienne, c’était un des exemples les plus hardis d’intervention du pouvoir civil dans les choses religieuses, et la conversion patente de l’établissement du culte en établissement politique. Ainsi les gouvernemens révolutionnaires se donnèrent, entre autres tâches, une église à fonder et à défendre.

C’était une difficulté de plus pour la conquête de la liberté de conscience et des cultes, d’autant que la nouvelle église, médiocrement appuyée dans la population, rencontrait de fortes inimitiés et avait grand besoin de protection. Cependant cette protection dans les premiers temps, du moins à Paris, ne fut oppressive pour personne, grâce à Lafayette et à Bailly, grâce à La Rochefoucauld et au directoire du département ; mais les beaux jours de l’assemblée constituante passèrent bien vite. Le serment à la nouvelle constitution ecclésiastique ne fut bientôt qu’un prétexte de persécution contre ceux qui ne l’avaient pas prêté. La fureur du temps donnait à la persécution un caractère effroyable, et l’église put se croire par momens revenue aux jours des Néron, des Dèce, des Dioclétien. La convention nationale ne tarda point à opprimer jusqu’à la nouvelle église, et elle en vint à décréter en principe l’abolition du christianisme. Toutefois l’idée de la religion, considérée comme une chose politique, restait si fort enracinée dans les esprits que le dictateur des plus mauvais jours de la terreur voulut aussi en fonder une, et convertir l’état à la foi dans l’Être suprême et l’immortalité de l’âme. « Qui donc, disait Robespierre, t’a donné la mission d’annoncer au peuple que la Divinité n’existe pas, à toi qui te passionnes pour cette doctrine, et qui ne te passionnas jamais pour la patrie ? Quel avantage trouves-tu à persuader à l’homme qu’une force aveugle préside à ses destinées et frappe au hasard le crime et la vertu ? L’idée de son néant lui inspire-t-elle des sentimens plus purs et plus élevés que celle de son immortalité, plus de dévouement à la patrie, plus d’audace à braver la tyrannie ? L’idée de l’Être suprême et de l’immortalité est un appel continuel à la justice, elle est donc sociale et républicaine. » Si l’on veut bien oublier de quelle bouche sortaient ces paroles, on y trouvera une expression très convenable d’une doctrine fort accréditée dans les monarchies et qui a produit