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les religions d’état. Robespierre avait même l’ingénuité d’en poser sans détour le véritable principe. Professant que tout ce qui est utile et bon dans la pratique est la vérité, il ajoutait naïvement : « L’état n’est ni métaphysicien ni théologien ; la question du vrai et du faux ne le concerne pas, il s’en tient à la catégorie de l’utile. »

La fête de l’Être suprême devait engendrer plus tard la théophilanthropie, qui fut une religion administrativement réglementée, et l’on eut alors un culte semi-officiel ; mais en attendant les cultes chrétiens souffraient obscurément dans la langueur ou l’oppression. L’ancienne église constitutionnelle ne se sauvait qu’en se taisant ; le vieux catholicisme, placé entre la prison et l’échafaud, cherchait vainement des catacombes pour y prier en paix ; les églises protestantes, ignorées pour ainsi dire de la convention, avaient leur part de la persécution commune à tous les bons citoyens. Tel était l’état des choses quand arriva le directoire, et l’on sait ce qu’il en coûta pour lui arracher à grand’peine quelques lambeaux de liberté religieuse. Cependant, protégée par le serment civique, l’église constitutionnelle sembla renaître. Ses temples se remplirent de ceux qui ont plus besoin de culte que d’orthodoxie. Le mouvement religieux date de là. De nobles efforts furent tentés pour lui obtenir une plus complète tolérance. C’est alors que Camille Jordan se fit un nom et que Royer-Collard parla pour la première fois. Encore, au bout de peu de temps, revenu à ses instincts de tyrannie, le gouvernement reprit-il contre la rébellion des consciences quelques-unes des armes de la terreur, et parmi les biens dont l’espérance soudaine et la prompte possession rendirent si populaire l’avènement du consulat, un des premiers fut que l’église respira, ou plutôt toutes les églises respirèrent, et les Français purent enfin, sans demander à personne ni permission ni protection, se réunir pour adorer Dieu suivant leur foi, leur tradition et leur volonté. Pendant plus d’une année, la liberté religieuse fut reconnue en fait, et, pour être pleine et entière, elle ne demandait au pouvoir qu’une chose : qu’il s’abstint.

Il faut voir dans l’ouvrage de M. de Pressensé le tableau de l’état trop peu connu du christianisme en France entre la fin de 1799 et le milieu de 1801. Le consulat avait trouvé l’église constitutionnelle déjà ranimée ; les croyances chrétiennes y avaient cherché un asile tranquille et sûr qu’elles ne trouvaient pas ailleurs, et après tout quelle est celle de ces croyances dans l’ordre purement spirituel qui n’y fût professée, honorée, satisfaite ? Nous ne sommes pas de ceux qui voudraient réhabiliter politiquement la constitution civile du clergé : toutefois il faut rendre justice à l’église qu’elle a fondée, et jusque dans le schisme y reconnaître des chrétiens ; mais la philosophie indifférente ou plutôt la sagesse politique du général