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bien des légendes des peuples enfans. C’est ainsi que dans les Basses-Alpes un jeune chasseur, aussi intelligent que dépourvu d’instruction, me parlait de la reine Jeanne de Naples, femme de Robespierre.

Le Marensin ne se distingue pas seulement des pays de Born et de Mimizan par une plus grande fertilité du rivage maritime et par une moindre largeur de tout l’appareil littoral des dunes et des étangs ; il est également remarquable par l’étendue de ses bois de pins : c’est la grande forêt de l’ancienne Aquitaine. Grâce à l’éloignement des centres importans de population, grâce également à la paix relative dont cette région semble avoir joui pendant les mauvais jours de la féodalité, le Marensin n’a point été dépouillé de ses ombrages, et récemment encore on pouvait traverser, des environs de Dax au bord des grands étangs, une forêt n’ayant pas moins de 25 kilomètres en largeur. Autour de Castets, village qui peut être considéré comme le chef-lieu de cette région des landes, on ne voit de toutes parts que les avenues mystérieuses formées par les troncs droits et superbes des pins. Plus au sud viennent les bois de chênes-lièges entremêlés de massifs de fougères, de ronces, d’ajoncs et de genêts, formant çà et là des fourrés presque aussi difficiles à traverser que les forêts vierges de l’Amérique. En de rares districts du Marensin proprement dit, les bois de pins et de chênes-lièges s’écartent assez pour enfermer une lande rase semblable à celles de Parentis et du Médoc. Ce qui prête à ces landes peu nombreuses du Marensin un caractère étonnant de grandeur solennelle, c’est que les montagnes des Pyrénées dressent à l’horizon leurs grandes masses bleues nettement découpées dans le ciel. C’est le même contraste, mais bien plus sublime encore, que celui des pyramides et du désert.

La population des landes méridionales et centrales est sans doute en grande partie d’origine basque, ainsi que le prouvent les noms de Biscarosse[1] et d’une foule d’autres lieux dont l’étymologie est évidemment euscarienne. La transition ethnologique entre les Labourdins et les Béarnais, entre les Béarnais et les habitans de la Chalosse et du Marensin, s’opère d’une manière graduelle. On comprend que, par suite de la différence du genre de vie et du milieu géographique, le landais de la plaine et du bord des étangs diffère beaucoup du Basque des collines et des montagnes : il est d’ordinaire plus maigre, plus hâve ; il est moins agile, moins robuste, moins courageux ; il compense son infériorité en force par un excès de ruse, mais il n’en est pas moins, comme le Viscaino d’Espagne et comme le Gascon de l’Armagnac, un descendant des anciens Euscaldunacs.

  1. Plusieurs villages du pays basque portent le nom de Viscarroz, Uiscarroz.