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Les mœurs d’autrefois subsistent encore en partie. Dans plusieurs villages des landes, aussi bien que dans ceux de la Soule et du Labourd, la place municipale est spécialement consacrée au noble jeu de paume, et la haute muraille sur laquelle la balle vient rebondir s’élève entre l’église et la mairie. De même les landais ont reçu de leurs ancêtres l’excellente coutume de planter des chênes et d’autres arbres au vaste branchage à côté de leurs habitations. Dans le Marensin et le pays de Born, il est peu de maisons de campagne, peu de fermes isolées qui n’aient autour d’elles une promenade de chênes, d’ormeaux ou de platanes dont toute ville de France pourrait être fière à bon droit. Tel hameau des landes est par ses ombrages bien mieux partagé que Paris.

Naguère les gens du Marensin avaient, comme les Basques et les anciens Euscariens, un compagnon fidèle, le makita, grand bâton noueux cerclé de cuivre à l’extrémité. Ils le suspendaient à leur poignet par un cordon de cuir de manière à pouvoir le faire tournoyer au-dessus de leurs têtes, et ne le quittaient que pour travailler et dormir. En se rencontrant, les paysans agitaient fièrement leur arme, et s’appuyaient sur elle avec autant de fierté qu’un chevalier croisant les deux mains sur son épée. Aussi les luttes au bâton étaient-elles fréquentes, et souvent elles se terminèrent par la mort d’un ou de plusieurs combattans. En 1730, les luttes entre les populations de divers villages étaient devenues tellement meurtrières que le duc de Duras, gouverneur de la contrée, interdit absolument l’usage du bâton et donna l’ordre d’envoyer aux galères du roi, « sans distinction des offenseurs et défenseurs, » tous ceux qui se serviraient dans une bagarre de l’arme prohibée ; mais, par suite de la connivence de tous les habitans, l’édit draconien resta lettre morte, et les combats sanglans recommencèrent de plus belle. Quatre ans plus tard, en 1734, les paysans de la commune aujourd’hui disparue de Saint-Girons-de-l’Est attaquaient les villageois de Saint-Girons-du-Champ, et les chassaient à grands coups de bâton de l’église paroissiale. Pour venir à bout des vainqueurs et réduire leur chef, le vaillant Jeannicot de Moléron, l’évêque de Dax, dut avoir recours à l’arme, toute-puissante alors, de l’excommunication. De nos jours, l’usage du bâton s’est presque entièrement perdu dans les communes des landes, grâce au mouvement de la société moderne qui nous emporte en supprimant les mœurs locales, les coutumes, les traditions du passé. Les fêtes elles-mêmes changent graduellement de caractère. Jadis les habitans du Marensin avaient l’habitude de se réunir le 8 septembre près de la fontaine d’Yons, dont les eaux limpides jaillissent avec abondance des flancs d’un monticule pour aller se perdre dans le sable à quelques mètres plus loin. Naguère c’était pendant la nuit qu’arrivaient les gens de la