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moitié avec les propriétaires du sol ; aujourd’hui la plupart d’entre eux ne reçoivent que le quart de la récolte, le cinquième ou moins encore. Certes rien n’est plus sacré que la liberté des contrats, et sur le marché du travail chaque homme peut donner à l’emploi de son capital ou à ses bras le prix qui lui convient ; mais il est à craindre que dans les traités passés récemment entre les résiniers et les propriétaires la bonne foi des contractans n’ait pas toujours été complète. Quoi qu’il en soit, les nouvelles conditions faites aux résiniers ont eu pour résultat d’interminables procès, des menaces de pillage et d’incendie, des grèves désastreuses pour tous, et un extrême mauvais vouloir entre les deux classes de la société des landes. D’après le bourgeois, le résinier serait une espèce de bête féroce ; d’après le résinier, le propriétaire serait un tyran sans justice et sans cœur.

La sylviculture landaise comprend aussi l’exportation du chêne-liège. Les produits de cet arbre n’ont point acquis soudain une importance aussi grande que ceux du pin maritime ; toutefois ils n’ont cessé de renchérir à cause du nombre restreint des lieux de provenance et du manque absolu d’écorces ou d’autres substances ligneuses qui puissent remplacer le liège. Chaque corsier[1] ou chêne-liège donne en moyenne 1 franc de revenu par an. Les revenus de cette branche d’industrie sont donc assurés et pourraient devenir une source importante de prospérité nationale, si les forêts de chênes-lièges du Marensin occupaient une étendue plus considérable. Les arbres à liège, mélangés aux pins, ou formant à eux seuls des bois entiers, se trouvent en quantités exploitables seulement dans l’étroit espace triangulaire compris entre l’Adour, l’Océan et les grandes forêts de pins de Castets et de Saint-Girons. Cette zone peu étendue de chênes-lièges est d’ailleurs la seule que possède la France sur le littoral atlantique, et même dans cette zone l’arbre offre en général un aspect si triste qu’à première vue on le dirait éloigné de sa patrie. Le tronc rouge ou noirâtre dépourvu de son écorce, les branches noueuses qui ressemblent à du bois mort, le feuillage mince et d’un vert grisâtre, la mousse pâle qui s’attache aux rameaux secs, tout paraît dénoter un arbre fatigué par une trop longue production. Il n’est donc guère probable que l’exploitation du chêne-liège soit jamais destinée à prendre un développement très considérable dans la Gascogne méridionale. Du reste, les producteurs du Marensin auront avant longtemps à soutenir une autre concurrence que celle des Catalans et des Provençaux. Les forêts de l’Algérie commencent à verser leurs produits sur les marchés de la métropole ; les rivages de la Méditerranée, terres de prédilection

  1. C’est le mot anglais cork.