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du chêne-liège, accroissent chaque année leur production ; enfin les nombreuses plantations faites par les soins du gouvernement anglais dans ses diverses colonies des deux mondes, notamment en Australie, seront bientôt en plein rapport.

L’agriculture proprement dite des landes méridionales se réduit à fort peu de chose. Le sol végétal n’ayant qu’une faible épaisseur et les engrais faisant presque complètement défaut, les paysans se bornent à cultiver dans les clairières le maïs, le seigle et d’autres céréales d’une assez misérable apparence. Depuis un temps immémorial, on plante aussi la vigne sur le revers oriental des dunes qui s’étendent du Cap-Breton au Vieux-Boucau et au village de Messanges. Après avoir choisi l’espace le plus abrité du vent de la mer, les vignerons divisent le sol en carrés de 15 à 20 mètres de côté au moyen de fascines hautes d’un mètre, protégeant les jeunes plantes contre le froid et le vent d’ouest. Pour amender le sol, les vignerons répandent chaque année autour des ceps le sable vierge des dunes voisines ; mais trop souvent les rafales se chargent d’accomplir elles-mêmes cette besogne. Le sable fin de la dune vole par-dessus les palissades, pénètre par les interstices des fascines et s’accumule peu à peu dans l’enclos ; les ceps, les sarmens, sont graduellement recouverts, et parfois après une tempête quelques pampres ondulant au-dessus du sable indiquent seuls l’endroit où la vigne est ensevelie. Il faut alors que le paysan lutte courageusement contre l’envahisseur, ou qu’il abandonne ses cultures. Constamment saupoudrés de poussière siliceuse, les raisins de sable finissent par acquérir un certain goût rappelant celui du sol qui les a produits. Les vins, rouges ou blancs, ont également un goût de sable ; toutefois ils sont très appréciés par les consommateurs des villages environnans et jouissent même de quelque réputation dans les villes des landes[1]. Malheureusement l’oïdium a fait de grands ravages dans les vignobles des dunes. Ainsi la commune du Cap-Breton, qui produisait en moyenne 400 barriques, n’en produit plus que le dixième. Il est probable que la récolte annuelle de tous les vignobles des dunes ne dépasse pas une centaine de tonneaux. La rareté du vin explique en grande partie le vice de l’ivrognerie, si commun chez les landais des deux sexes. Dans le Bordelais, région des grands vignobles, en Espagne, en Italie, dans toutes les contrées où le vin se boit à chaque repas, on ne rencontre guère d’ivrognes : ils foisonnent dans tous les pays où le vin, plus ou moins frelaté, devient une boisson de luxe. Dès que le voyageur a dépassé la limite des vignes bordelaises pour s’enfoncer dans le cœur des landes, il ne

  1. On les vend aujourd’hui de 90 à 200 francs la barrique. Les crus supérieurs sont achetés jusqu’à 500 francs.