Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/253

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sein des chambres la discussion au nom du gouvernement. Ainsi, suivant M. de Persigny, il faut revenir sur le décret du 24 novembre au lieu d’en développer les tendances. Telle est en réalité la conclusion politique de son discours. Nous nous trouvons bien, comme nous l’indiquions il y a plusieurs mois, en présence de deux politiques qui s’accusent de plus en plus dans les régions officielles, l’une qui veut revenir sur la mesure du 26 novembre, l’autre qui veut au contraire en poursuivre le développement naturel. Qui l’emportera de la politique réactionnaire ou de la politique progressive ? Nous attendons sans impatience les incidens destinés à nous l’apprendre.

Une crise regrettable, car elle a fait couler le sang, mais qui n’est que passagère, vient d’attirer l’attention sur Genève. Les faits qui ont troublé un instant Genève sont aujourd’hui bien connus, et il est inutile d’y revenir en détail. Il s’agissait de l’élection d’un membre du conseil d’état, qui représente et exerce le pouvoir exécutif. Les élections de cette nature se font au suffrage universel, par la majorité des voix des électeurs du canton. L’élection actuelle mettait aux prises les deux partis genevois sur une question irritante de personnes. On peut dire qu’à Genève il n’y a plus entre les partis que des questions de cette nature. Sur les questions politiques proprement dites, il n’y a plus en effet de dissentiment sérieux. La constitution qui régit Genève, constitution qui concilie les principes démocratiques les plus avancés avec une complète liberté, a été l’œuvre du parti radical. Cette constitution n’est plus contestée par personne ; tout le monde s’y rallie, l’ancien parti conservateur l’accepte sans arrière-pensée, et il fait bien, car cette constitution à la pratique, si elle a demandé au parti conservateur plus de vigilance, plus d’énergie, n’a en définitive compromis aucun intérêt et n’a opprimé aucun droit. Genève, sous cette constitution, a développé sa prospérité, a continué à donner aux étrangers qui la visitent une agréable et comfortable hospitalité, et s’est maintenue au rang qu’elle a toujours occupé parmi les métropoles européennes. Les divisions, ne portant plus sur les principes politiques proprement dits, se sont établies et envenimées sur les questions de personnes, questions où il serait difficile aux étrangers désintéressés de s’immiscer sans s’exposer à commettre de gratuites injustices. Le parti radical s’était longtemps personnifié dans M. James Fazy, qui avait dirigé la révolution de 1846 et qui a conservé le pouvoir jusque dans ces derniers temps. M. James Fazy, quoiqu’il ait gouverné un petit pays, a tenu une place assez grande dans les mouvemens politiques contemporains. Par la révolution qu’il fit réussir en 1846 à Genève, il sembla déterminer le triomphe général que le radicalisme obtint bientôt dans la Suisse entière, et l’on sait les affinités que les événemens qui s’accomplirent en Suisse en 1847 eurent avec le mouvement révolutionnaire de 1848. On peut dire que dans cette période l’influence politique de M. Fazy a souvent dépassé le canton de Genève, et que le magistrat d’un