Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/308

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fatal à la Pologne par sa longue vie que par sa mort subite, cujus pari exitio viguit ceciditque. Le cabinet des Tuileries fit cependant encore, dans l’automne de la même année (dépêche du 15 septembre), une nouvelle démarche en faveur de cette nation, « dans la mesure pratique du possible. » Il voulut faire « du rétablissement du royaume de Pologne, dans les conditions stipulées par le congrès de Vienne, un des objets essentiels des négociations de la paix, aussitôt qu’elles deviendraient possibles, en même temps qu’une des bases fondamentales de cette paix. » « Le gouvernement de l’empereur se plaît à espérer, ajoutait M. Walewski dans sa dépêche à M. de Persigny, que celui de sa majesté britannique, envisageant au même point de vue cette importante question, n’appréciera pas moins la nécessité de la comprendre dans les futures négociations de la paix, et n’hésitera pas à réunir ses efforts aux nôtres pour obtenir le redressement d’un acte contre lequel la conscience des gouvernemens et des peuples n’a cessé de protester, car le temps n’a pu en affaiblir ni l’iniquité ni les funestes conséquences. » Il est curieux d’étudier la réponse que fit le cabinet de Saint-James à cette « communication importante, » ainsi que s’est plu à l’appeler lord Cowley dans sa correspondance avec le principal secrétaire d’état. Lord Clarendon trouva encore cette fois que le moment n’était pas « opportun. » L’Angleterre, qui devait bientôt se plaindre si amèrement de l’empressement de la France pour mettre fin à la guerre, craignit « que les gouvernemens des deux pays ne perdissent l’appui de l’opinion publique, si l’on savait que la reconstitution de la Pologne était une condition sine qua non de la paix ! » Du reste, disait lord Clarendon, « une grande illusion s’est dissipée ; on sait maintenant que la Russie peut être attaquée sur son propre territoire avec succès. Son prestige militaire est détruit. » Et de cette faiblesse de l’empire des tsars le ministre anglais ne concluait pas à la nécessité d’en profiter pour le bien de la Pologne, d’accomplir « un devoir » (ainsi qu’il l’appelait lui-même) d’autant plus impérieux qu’il était devenu facile. La conclusion de l’homme d’état britannique était tout autre et assurément bien étrange. Il redoutait que de nouvelles concessions demandées à la Russie n’effarouchassent l’Europe et ne la soulevassent contre les alliés ! Il pensait « qu’on commençait à s’alarmer de la force imposante présentée à l’Europe par l’union de l’Angleterre et de la France, et qu’on n’épargnerait aucun effort, qu’on ne reculerait devant aucun moyen pour tenter de rompre cette alliance !… » La France n’insista plus. « Sa majesté l’empereur, écrit lord Cowley, me dit qu’il ne demandait rien de nouveau, aucune modification de la carte, mais simplement ce qui fait partie du droit international général de l’Europe…